Une petite leçon d’histoire sur les véritables fondations des États-Unis ou la genèse des miroirs déformants
par Oleg Nesterenko
L’histoire émouvante et touchante de la fondation des États-Unis d’Amérique qui a nourri des générations de patriotes américains et s’est exportée dans le monde entier en tant qu’exemple à suivre, n’est rien d’autre que la déformation la plus grossière et hypocrite des réalités, beaucoup moins colorées et, encore moins, adaptées pour servir d’inspiration.
Il y a tant à dire sur l’histoire des origines de ce formidable pays, mais sur cette page je me limiterai qu’à commenter le début du deuxième paragraphe de la déclaration d’indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776, écrite par Thomas Jefferson, l’inspirateur de la démocratie américaine, le personnage d’une profonde humanité, l’une des figures les plus illustres et attachantes de la révolution américaine, l’homme de lumière et de progrès :
« We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness. »
« Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont nés égaux; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. »
Le petit bémol c’est que « l’histoire » américaine oublie d’ajouter le fait que Thomas Jefferson, personnage d’une profonde humanité, figure des lumières et du progrès, n’était personne d’autre qu’un ESCLAVAGISTE SANGUINAIRE.
L’air de rien, l’auteur des lignes de la déclaration de 1776 « tous les hommes sont nés égaux ; ils sont dotés par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur », 8 ans après les avoir écrits – non pas 8 jours ou semaines, mais 8 ans après – avait toujours en sa possession… 200 esclaves.
Par conséquent, Thomas Jefferson devait être tout à fait certain que le meilleur endroit et la meilleure qualité pour les Noirs sur le chemin de la liberté et de la recherche du bonheur étaient sa plantation en Virginie et la qualité d’esclave.
Mais, les deux cents unités de sa propriété – de vrais ingrats – considéraient obstinément les magnifiques conditions de leur séjour dans les possessions de ce merveilleux personnage d’une profonde humanité si terribles qu’elles ne faisaient que s’enfuir. Chaque dixième de ses esclaves a pu s’échapper définitivement de l’enfer sur terre de Thomas Jefferson sans être attrapé et torturé avant de retourner au travail de la « recherche du bonheur ». Les autres n’ont pas eu cette chance.
Je vous laisse l’appréciation du degré de la dégénérescence morale de cet individu qui milite farouchement au Congrès des États-Unis d’Amérique en faveur de l’abolition de l’esclavage et, en même temps, « oublie » qu’il est lui-même un grand esclavagiste.
La réalité prosaïque est dans le fait qu’au moment de l’indépendance de la Grande-Bretagne, il y avait environ 9 millions de personnes vivant aux États-Unis, dont les blancs n’étaient qu’une petite minorité par rapport à la population amérindienne et aux esclaves noirs.
La déclaration d’indépendance américaine non seulement ne concernait nullement les amérindiens ou les esclaves – ils n’étaient pas considérés comme appartenant à la race humaine – mais ne concernait pas non plus ni les femmes, ni même les hommes blancs d’origine sociale modeste.
Les véritables bénéficiaires ou, plus exactement, profiteurs d’indépendance des colonies américaines vis-à-vis de la couronne britannique n’ont été qu’environ 50 000 blancs riches de sexe masculin. Soit, moins de 1% de la population et qui a inventé toute cette histoire d’indépendance avec un objectif précis : faire croitre leur enrichissement personnel.
C’est à cette période qu’il faut attribuer les origines de « l’État profond » américain.
Revenant à monsieur Thomas Jefferson, il faut, néanmoins, lui rendre son dû : c’était un homme de grand progrès, puisqu’il ne considérait plus les esclaves noirs comme des singes, mais juste comme des sous-hommes.
Il reconnaissait que les noirs sont quand même dotés d’une âme et qu’ils appartiennent au genre humain. C’est juste que leurs capacités dans les domaines scientifiques, leurs capacités cognitives à l’expression des sentiments et de la foi religieuse sont primitives et ne peuvent être comparées à celle des hommes blancs. À ce sujet, Jefferson a laissé ses écrits au profit de la postérité pour éclairer.
C’est bien ce merveilleux personnage qui est l’un des principaux héros du peuple américain, dont chaque représentant porte fièrement le portrait de ce dernier dans son portefeuille.
Et, pour évoquer des larmes émouvantes de fierté chez la postérité reconnaissante, la maison dans laquelle Jefferson est née, est dessinée au verso du billet de deux dollars : la maison de sa plantation esclavagiste de Monticello.
Postscriptum :
Sur cette page, j’ai juste commenté le début du deuxième paragraphe de la déclaration d’indépendance des États-Unis d’Amérique, sans me permettre le luxe de demander aux représentants de la nation américaine à lire le début du tout premier paragraphe de la déclaration du point de vue des habitants de la Crimée et du Donbass qui ne souhaitent plus faire partie de l’Ukraine :
« When in the Course of human events, it becomes necessary for one people to dissolve the political bands which have connected them with another, and to assume among the powers of the earth, the separate and equal station to which the Laws of Nature and of Nature’s God entitle them… »
« Lorsque, dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l’ont attaché à un autre et de prendre, parmi les puissances de la Terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit … »
L’arbre pourrit à partir des racines. L’histoire, si elle est oubliée et déformée, conduit inévitablement à la suprématie du royaume des miroirs déformants.
Traduction du russe par l’auteur.
Publié initialement dans le magazine historique « Les Jugements », Russie, janvier 2023.
Le procureur démocrate de Manhattan, Alvin Bragg, a inculpé, le 30 mars dernier, l’ancien président Donald Trump sous trente-quatre chefs d’accusation pour des peccadilles. Un procès au civil s’ouvre par ailleurs à New York à propos d’un viol qu’il aurait commis sur une journaliste il y a plusieurs années. Candidat déclaré aux primaires présidentielles républicaines de l’an prochain, le 45ème président crie au complot politique, à l’instrumentalisation judiciaire et à la manipulation médiatique.
Premier dirigeant étranger à se rendre aux États-Unis pendant le mandat de M. Biden, le Premier ministre japonais Yoshihide Suga travaille désormais avec M. Biden sur un certain nombre de questions, notamment la concurrence stratégique avec la Chine. Parallèlement, l’administration Biden a envoyé d’anciens fonctionnaires de haut niveau à Taïwan et a récemment dépêché à plusieurs reprises des navires de guerre américains en mer de Chine méridionale. Elle a également encouragé ses alliés européens à déplacer leurs opérations militaires dans la région Asie-Pacifique et à y mener sans relâche des exercices militaires conjoints. Tous ces signes montrent que les États-Unis ne veulent pas d’une situation durable et stable dans la région Asie-Pacifique. Au contraire, créer ou provoquer des crises pour maintenir la région dans un état de tension, de crise ou même de conflit modéré est conforme au besoin des États-Unis de promouvoir la « stratégie indo-pacifique ».
Les États-Unis ont une tradition de politique de « changement plutôt que de stabilité »
Tout d’abord, les États-Unis se sont développés en créant des crises ou des guerres et en y répondant, ce qui a façonné leur caractère national et leurs traditions diplomatiques. Qu’il s’agisse de l’expansion territoriale et du massacre des Indiens en Amérique du Nord au XIXe siècle, ou de l’établissement et du maintien de l’hégémonie à l’échelle mondiale au XXe siècle avec la « guerre chaude » et la « guerre froide », l’obsession des États-Unis pour les crises ou les guerres reflète une tradition politique de « recherche du changement plutôt que de stabilité ». Elle est non seulement devenue un élément intrinsèque du comportement des États-Unis à l’étranger, mais aussi une condition préalable essentielle pour que les États-Unis, en tant que nation d’immigrants, puissent résoudre la crise de l’identité nationale et ethnique dans leur pays et assurer leur intégrité et leur stabilité politiques à différentes époques.
Au cours de la première décennie qui a suivi la fin de la guerre froide, les États-Unis n’ont pas profité de leur situation « unipolaire » pour promouvoir l’évolution pacifique de l’ordre international et établir des relations stratégiques et stables entre les grandes puissances ; au contraire, ils ont continué à exacerber les conflits et les guerres dans les Balkans et à promouvoir l’expansion de l’OTAN à l’est. Au XXIe siècle, les États-Unis ont initié ou mené une série de guerres, notamment en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie, qui ont entraîné la crise financière mondiale de 2008, la guerre civile en Ukraine de 2014 à aujourd’hui et de nombreuses « révolutions de couleur » dans des régions clés du monde. Dans la nouvelle épidémie qui ravage le monde depuis le début de l’année dernière, les efforts des États-Unis pour se débarrasser de l’épidémie et la résistance politique à celle-ci ont conduit à la poursuite de la propagation de la crise épidémique mondiale. Face à la nécessité urgente d’une coopération mondiale dans la lutte contre l’épidémie, les États-Unis se sont engagés dans une stratégie dite de coalition pour diviser la réponse internationale à l’épidémie et l’utiliser pour alimenter la concurrence géopolitique avec la Chine, la Russie et d’autres pays.
Depuis une trentaine d’années, les États-Unis sont devenus un véritable semeur de chaos mondial, et les régions dans lesquelles ils ont été impliqués se sont non seulement souvent retrouvées dans un chaos et une crise, mais les grandes divisions internes des États-Unis s’aggravent également et sont difficiles à guérir. L’élite politique américaine est exceptionnellement anxieuse et désespérée à l’idée d’une crise plus importante. Les États-Unis, qui ne sont pas un pays réfléchi, tentent actuellement de provoquer des conflits ou des crises plus graves dans la région Asie-Pacifique, en opérant à un niveau plus profond un processus de transformation externe des contradictions internes.
Au service d’une revitalisation durable du système d’alliances en Asie-Pacifique
Deuxièmement, pour revitaliser durablement le système d’alliances que l’élite politique américaine actuelle a identifié comme la ressource stratégique la plus précieuse, les États-Unis ont objectivement et urgemment besoin d’une crise majeure dans la région Asie-Pacifique ou en Europe. L’expérience et les modèles historiques prouvent qu’en l’absence de divisions et de confrontations entre groupes d’États, les alliances déclinent, voire s’effondrent. Après l’effondrement de l’Union soviétique, on pensait généralement que le système d’alliances forgé par les États-Unis pendant la guerre froide disparaîtrait progressivement de la scène historique, mais au contraire, il n’a cessé de se renforcer. La raison fondamentale de ce phénomène est que les États-Unis ont créé de nouveaux rivaux ou ennemis en exploitant ou même en créant des confrontations ou des conflits de grande envergure, tels que la crise des Balkans, la guerre élargie contre le terrorisme et la rivalité stratégique entre les grandes puissances, afin d’assurer la pérennité et la consolidation de leurs propres alliances bilatérales et dirigées par l’OTAN dans la région de l’Asie-Pacifique.
Dans les années 1990, les États-Unis se sont obstinés à lancer le processus d’expansion de l’OTAN à l’est, après la guerre froide, créant ainsi une nouvelle fois une division durable en Europe, et la Russie n’a eu d’autre choix que d’affronter les États-Unis en Europe. La guerre civile en Ukraine, qui dure depuis 2014, est à la fois une manœuvre des États-Unis pour créer des crises internes dans d’autres pays afin d’élever la réalité de la fonction de l’OTAN, et le résultat inévitable de l’intensification de la contradiction structurelle entre les États-Unis et le refus de la Russie de revenir à une architecture de sécurité européenne dominante. Cette crise majeure a porté un coup à la Russie et renforcé la position dominante de l’OTAN en matière de sécurité en Europe, de sorte que la guerre civile en Ukraine ne s’apaisera pas, mais ne fera que s’intensifier.
La logique qui sous-tend l’héritage et la promotion de la stratégie indo-pacifique par l’administration Biden est la même que celle des États-Unis en Europe, où elle a été utilisée pour renforcer les alliances en créant des crises. Afin de raviver la fonction d’alliance des États-Unis dans la région Asie-Pacifique, l’administration Biden promeut vigoureusement l’opinion à l’échelle internationale selon laquelle « la Chine, la Russie et d’autres pays constituent une menace » et attise constamment les conflits régionaux. Les États-Unis se sont ingérés à plusieurs reprises dans nos affaires intérieures au nom de la démocratie et des droits de l’homme sur des questions liées aux frontières, à Hong Kong, à Taïwan et au Tibet, et ont créé des conflits sur des questions telles que la mer de Chine méridionale, la mer de Chine orientale et la gestion des épidémies, tout en menant fréquemment des exercices militaires conjoints avec leurs alliés. Pour les États-Unis, la stabilité de la région Asie-Pacifique n’est pas conforme à leurs soi-disant intérêts stratégiques tels qu’ils sont définis. Créer des divisions et des crises profondes dans la région Asie-Pacifique et s’engager dans une rivalité ou une confrontation stratégique entre les grandes puissances pour renforcer la fonction de l’alliance américaine dans la région Asie-Pacifique est l’essence même de la stratégie indo-pacifique des États-Unis.
Promouvoir le double processus de « l’OTANisation de l’Asie-Pacifique » et de « l’OTAN Asie-Pacifique »
Troisièmement, le double processus de l’OTANisation et de l’OTAN Asie-Pacifique constitue les deux piliers les plus importants de la stratégie américaine pour l’Indo-Pacifique et l’indicateur clé de sa réussite. Il s’agit également d’un indicateur clé de sa réussite. Contrairement à l’OTAN, qui est fermement ancrée dans la domination du paysage sécuritaire européen, les États-Unis disposent d’un certain nombre d’alliances bilatérales dans la région Asie-Pacifique qui ne sont ni fonctionnelles ni suffisamment importantes pour garantir leur domination du paysage sécuritaire de l’Asie-Pacifique. Ils accélèrent le fonctionnement du dialogue quadripartite sur la sécurité en provoquant davantage de crises et en cherchant à l’utiliser comme base pour relier les nombreuses alliances bilatérales qui existent déjà dans la région Asie-Pacifique, avec les États-Unis au centre, et finalement former une alliance multilatérale dirigée par les États-Unis pour « l’OTANisation de l’Asie-Pacifique ». Cette alliance façonnera également, par ricochet, le paysage sécuritaire de l’Europe. L’application de cette logique de façonnage du paysage sécuritaire européen à la région Asie-Pacifique est si claire que le rythme et l’orientation de la politique américaine sont hautement prévisibles.
Les États-Unis sont déterminés à pousser leurs alliés européens au sein de l’OTAN à se détacher de la soi-disant perspective européenne, jugée étroite, pour pouvoir jouer un rôle en dehors de l’Europe dès que possible. Cet objectif est poursuivi au milieu de nombreuses crises majeures. À l’heure où l’accent est mis sur une compétition stratégique majeure avec la Chine et la Russie, les États-Unis doivent de toute urgence accélérer l’”Asie-Pacifique” des institutions et des fonctions de l’OTAN. Le fait de provoquer ou de créer des crises majeures est le moyen le plus crucial d’atteindre cet objectif. La récente décision de l’administration Biden et de l’OTAN d’annoncer un retrait complet de l’Afghanistan dès que possible n’est pas une contraction de l’OTAN en Asie, mais un plan visant à déplacer le centre des opérations vers la région de l’Asie de l’Est. Ils ne se préoccupent pas de la manière dont le chaos en Afghanistan sera finalement résolu, mais tentent de créer une crise plus importante dans la région de l’Asie de l’Est afin d’accélérer le processus de « l’Asie-Pacification de l’OTAN ».
L’utilisation ou la création de crises majeures est une caractéristique habituelle du comportement des États-Unis dans la promotion de leurs intérêts stratégiques, et les pays de l’Asie-Pacifique qui attachent de l’importance à leur propre prospérité et à leur propre stabilité devraient en être bien conscients et rester vigilants.
La fuite d’informations pourrait être avantageuse pour la Russie s’il ne s’agissait pas d’une fausse piste, et cette possibilité est tout à fait réelle.