Creutzer Mathurin et Nicole Chenette
11 décembre 2025
Pagode au temple bouddhiste surplombant la ville de Kyoto
Notre visite du Japon demeure un moment fort intéressant, même si elle a pu être quelque peu bouleversante. Nous avons profité de l’invitation de Kayo à son mariage avec Genki pour explorer plusieurs villes autres que Tokyo, où nous avons débarqué, en mettant à profit le système de trains à grande vitesse, qui réduit considérablement le temps de trajet d’une ville à l’autre. Nous avons érigé notre base à Kyoto, et de là, on s'est rendu dans des villes de Nara, de Kanazawa, d'Osaka et de Kobe où a eu lieu le mariage, puis on est retourné à Tokyo.
Parmi les aspects les plus frappants. Le personnel des aéroports est généralement le premier contact d’un visiteur avec le pays et sa population. En plus de ceux qui agissent avec gentillesse et en tandem avec les machines de préenregistrement pour accélérer les flux d’arrivants vers les agents d’immigration, ailleurs, dans les autres services, au moindre écart, ce personnel vous ramène poliment à la discipline du pays. Ce que nous aurons la possibilité d’apprécier plus tard à travers le comportement des gens dans la rue.
Généralement, les gens croisés nous paraissent d’une grande politesse, toujours bien vêtus, et les femmes font montre d’une certaine élégance. Alors qu’il est souvent dit que le Japon a un taux de pauvreté similaire à celui des USA, nous n’avons pas vu de personnes vêtues de façon négligente ni de personnes sans-abri. Les gens nous ont paru attentifs aux touristes, car il y avait toujours quelqu'un prêt à répondre aux questions ou à aider à trouver la direction recherchée. Tokyo est une très grande ville, étalée, avec près de 37 millions d’habitants, et, à part les grandes artères, les rues ne sont pas toutes nommées; même les Japonais semblent utiliser leur mobile pour se déplacer et retrouver leur chemin.
Toutes les villes où nous sommes allés sont d'une propreté remarquable, et il n'y a pas de poubelles dans les rues depuis quelques années, afin de prévenir le terrorisme, selon ce qui nous a été dit. Les gens se promènent avec un petit sac à déchets et ne laissent rien tomber au sol. Les rues secondaires sont pour la plupart étroites et plusieurs sont à sens unique – dans les régions que nous avons visitées. Les voitures, particulièrement à Tokyo, nous paraissent de moindre taille que celles que nous avons en Amérique du Nord. Les appartements dans les villes nous paraissent petits, et on a vu de ces immeubles très étroits, construits à plusieurs étages, sur des superficies à peine plus grandes que celles d’un mouchoir. Dans toutes les villes visitées, les trottoirs et les passages pour piétons sont équipés de balises évidentes permettant aux aveugles de circuler. La sécurité et la sûreté semblent être de bien remarquables caractéristiques des villes où les vélos parqués dans les lieux de stationnement ne sont même pas barrés, et la population vaque à ses occupations en toute sûreté sans crainte de pickpockets ni de se faire voler un bien. Enfin, il semble que les WC chauffants soient une norme de l’habitat japonais.
Les petits cafés, les restaurants-cafés et les cybercafés prolifèrent ; à Tokyo, par exemple, on trouve des restaurants ne servant que de la soupe, dont la variété est grande. On y retrouve également les cuisines de différents pays : un gourmet aura de quoi se flatter le palais avec tous ces prototypes de plats, délicatement présentés dans les vitrines, les uns plus attrayants que d’autres, qui font saliver rien qu’à les voir. La nourriture est en général excellente et son coût demeure abordable. Tout cela témoigne d’un raffinement culinaire des villes explorées, comme le peut s’en rendre compte le visiteur en dégustant un filet de bœuf de Kobe, ville où nous avons pu déambuler et manger dans les restaurants de son grand Chinatown. Plus que les restaurants, les présentoirs des magasins illustrent un grand raffinement du goût, où les produits vendus sont emballés dans du papier soigneusement décoré, et l’emballage lui-même constitue un beau résultat, comme si, dans ce pays, on avait développé toute une technique pour en faire un grand art. Enfin, nous recommandons à tout visiteur de Tokyo de faire un tour dans la rue des Chefs, notamment pour voir et admirer la grande variété d’articles de cuisine, dans les boutiques et même dans des ateliers bordant cette rue, ainsi que la riche variété de couteaux japonais, dont certains sont de véritables chefs-d’œuvre d’art dignes d’être exposés.
Système de transport ferroviaire et de vie souterraine
Le système ferroviaire est très développé et fiable, et les trains sont très ponctuels. En plus des trains circulant à différentes vitesses reliant les régions et les villes, il y a, dans les villes, par exemple à Tokyo, le métro et le métro-bus (Subway) assurant la mobilité quotidienne de la population d’un point à l’autre, de près ou de loin. À la gare centrale de Tokyo, avec ces différents types de trains, il est possible de descendre jusqu’à 2 ou 3 étages sous terre pour accéder au métro ou au métro léger (Subway). C’est ainsi que cette ville dispose d’un vaste réseau d’espaces souterrains où le citoyen peut trouver l’ensemble des services nécessaires pour assurer son quotidien : il y a de tout : épiceries, magasins, cafés, restaurants, arcades, et les gens y circulent en très grand nombre et rapidement. Ce n’est donc pas exagéré de penser qu’il est possible de vivre et de circuler entièrement sous terre. C’est d’ailleurs l’existence de ce système de transport qui nous a permis, grâce à l’acquisition de la passe de Japan Rail (JRP), de nous déplacer dans différentes régions du pays et d’explorer autant de villes en si peu de temps. Lors de nos déplacements en train, nous avons pu observer le relief accidenté du pays et les scènes panoramiques qui s’y dévoilent. Enfin, durant ces voyages en train, nous avons traversé des villes aux habitats comparables à ceux qu’on peut voir en Europe ou en Amérique du Nord, et nous avons également vu, entre autres, de vastes terres consacrées à la riziculture, ainsi que le mont Fuji, avec ses glaciers et ses neiges permanentes. Il se pourrait que la banane soit cultivée au Japon, car nous avons trouvé, lors d’une excursion à Tokyo, une maison avec trois bananiers, dont un en fruit. (Photo)
Le Japon est un pays, par sa position géographique, exposé à des secousses et à un risque élevé de grands séismes, mais cela n'a pas empêché pour autant l'édification de gigantesques immeubles, la construction d'autoroutes ainsi que de chemins de fer en hauteur qui sillonnent la capitale et les autres villes. La seule différence que nous avons observée par rapport à de telles infrastructures en Amérique du Nord, c’est que les structures de soutien de ces voies de communication paraissent évidemment bien plus robustes : tout est conçu pour résister aux séismes et répondre aux besoins de fonctionnement des institutions du pays et de la population.
La partie la plus surprenante, c'est l'agencement réussi du modernisme occidental et des traditions du pays, où le rapport à la nature semble tenir une place importante, au point que les espaces verts de tailles fort variées sont soigneusement entretenus dans les villes. Il se pourrait fort bien que l’effort d’aménager un coin de verdure chaque fois que c’est possible résulte de liens fort lointains dans l’histoire du pays, reliant la nature, les religions et les traditions politiques de la population. Cela nous amène à soulever les quatre aspects suivants : le rapport à la nature; le rapport aux choses sacrées (religion et spiritualité); le rapport aux traditions qui ne seraient sans lien avec la culture politique du pays.
D’abord, lorsqu’on visite les parcs et les jardins japonais, on est surpris non seulement par la beauté des aménagements réunissant les plantes et les arbres, qui forment de très beaux ensembles suscitant l’émerveillement. Quand on regarde de plus près, on s’aperçoit que les Japonais ne font pas que tailler ces derniers pour leur donner des formes ; ils les dressent littéralement comme s’ils amenaient chacun d’eux à montrer sa propre beauté, donnant ainsi à chaque coin du jardin une expression distincte. Cette touche ornementale se retrouve également dans les espaces verts entourant des lieux importants, tels que les temples bouddhistes, les centres sacrés du shintoïsme, ainsi que les palais, châteaux et parcs. Ces jardins sans plantes florales sont effectivement très beaux et on a l’impression que la population leur est attachée comme s’il s’agissait d’un élément fondamental de leur être collectif.
Quant aux lieux de culte, ils se retrouvent un peu partout dans les villes, et surtout dans des endroits d’abondante végétation, où ils s’intègrent parfaitement aux grands parcs qui les entourent. Le tout crée une ambiance apaisante qui prédispose le citoyen qui veut se recueillir, ainsi que le visiteur ou le touriste de passage, à la sérénité et à la méditation. Ces lieux en retrait nous semblent grandement fréquentés par de grandes foules, au point qu’il faut respecter le modèle de circulation des voitures pour que les flots de population en sens opposés puissent circuler sans se bousculer ni se piétiner. Ces foules comprenaient non seulement des visiteurs venus d’Asie, comme d’ailleurs du monde entier – on pouvait noter des échanges dans une diversité de langues –, mais aussi des locaux, puisque, à Tokyo, Kyoto et Nara, on a rencontré plusieurs groupes d’écoliers de différents âges accompagnés par du personnel de leur école. Ces lieux sacrés, avec plusieurs pagodes, des sortes de constructions carrées ou octogonales, sont généralement de forme conique en bois massif, et les angles de jonction des toitures sont orientés vers le ciel. On a aussi pu voir ces maisons traditionnelles, s’élevant vers le ciel, avec leurs toits de pagode, étage après étage, qui chatouillent admirablement les yeux. Si leur charpente de poutres et de poteaux de bois montrant une structure solide et fermement attachée assurant la stabilité de ces grandes constructions est déjà fort agréable à regarder, nous avons remarqué qu’il y a dans les temples bouddhistes différentes représentations de Bouddha à l’intérieur, alors que la partie de la structure, supportant les toits, donnant sur l’extérieur présente des sculptures ou des figurines. Tandis que dans les lieux shintoïstes, il n’y a ni sculptures ni figurines, parfois des fanaux ornementent ces lieux de culte. Selon les propos d’un de nos hôtes, « on fréquente les temples pour les funérailles et pour honorer les ancêtres et les morts de la famille, mais pour se recueillir, on visite d’autres lieux dédiés à la spiritualité (shrines) ».
Aussi, des temples bouddhistes et des lieux de recueillement shintoïstes y sont partout, y compris dans les marchés traditionnels typiques et dans certains centres d'achat visités, qui semblent conçus pour laisser de la place aux petits entrepreneurs-boutiquiers. Ces lieux sont souvent grouillants de monde, quelle que soit l’heure où l’on y est, de jour comme en soirée, il y a toujours des acheteurs, des visiteurs et des touristes curieux comme nous. Nous avons aussi remarqué que devant certains étalages ou magasins, des crieurs annoncent les produits disponibles. Cela ne témoigne-t-il pas d'un fort lien entre la population et ces lieux de culte?
Les palais et châteaux situés à proximité des temples et des jardins forment de vastes espaces verts chargés d’histoire, invitant à des promenades qui se prolongent dans la forêt. Même si ces constructions conservent leur style architectural traditionnel de pagode, il convient de noter que les châteaux entourés de canaux remplis d’eau devaient être de véritables forteresses dont la conception de défense paraît comparable à celle de certains châteaux-forts européens. Notre visite d’Osaka s’est déroulée au cours d’une journée sous une pluie continue qui n’a pas su refroidir l’engouement des visiteurs qui passaient du jardin au château et devaient faire la queue pour acheter leur billet, puis reprendre une nouvelle ligne avant d’y entrer. Et nombre d’entre nous, après cela, continuaient sous cette pluie pour se rendre au musée de la ville, non loin de là. Cela valait franchement le coup puisqu’on en revient fort instruit, entre autres, de la période du Japon antique divisé en plusieurs clans ou royautés dont certains ressortissants ont parcouru les continents jusqu’en Amérique précolombienne, et de ce qu’on retient de la volonté et de la détermination de la population à se relever des catastrophes pour rebâtir sa ville et la moderniser en conséquence.
Voilà, à notre avis, autant d’aspects de l’histoire du pays et du cadre de vie quotidien qui ne manqueront sûrement pas de renforcer la cohésion sociale et l’attachement de la population à sa culture et à son pays, dont les aînés ont su redéfinir l’orientation tout en conservant ce qui constitue leur essence ancestrale.
Particulièrement à Tokyo et à Kyoto, nous avons remarqué plusieurs personnes, jeunes comme moins jeunes, en kimono, des femmes plus nombreuses, mais aussi des hommes. On pensait que c’était un costume traditionnel porté lors de cérémonies culturelles. Il s’est trouvé qu’en circulant dans un lieu de forte fréquentation touristique, on est tombé sur un commerce de location de kimonos à la journée. Notre hôte nous a fait remarquer que c’est un attrait touristique apprécié de certains visiteurs, qu’on reconnaît à leur façon de marcher. Effectivement, le kimono est un habit typique du Japon qui daterait du huitième siècle et dont l’ensemble comprend même ce qu’il faut porter aux pieds; il se porte encore aujourd’hui à la faveur de certaines occasions, par exemple lors de de certains passages d’étapes dans l’évolution de la vie, le passage à la maturité, ou encore le changement du statut civil, tel que le mariage.
Enfin, nous pouvons dire que le Japon est un pays capitaliste qui semble tenir compte des besoins de sa population nombreuse, cent soixante-sept millions d’habitants ; c’est beaucoup de gens chez qui il faut développer et maintenir haut le sentiment d’appartenance à l’espace où ils se trouvent et pour lesquels il faut créer des conditions de vie décentes et satisfaisantes. Ce sont peut-être les politiques sociales mises en place et le sens du retenu, inculqué par la culture du pays, qui expliqueraient l’invisibilité des effets et des manifestations de la pauvreté observés ailleurs dans les pays occidentaux.
Il y aurait beaucoup à dire après ce bref séjour mémorable dans ce pays qui ne laisse pas indifférent son visiteur.
Creutzer Mathurin et Nicole Chenette
Promenade à Tokyo à l’ombre du plus ancien arbre connu
Un parc au milieu des gratte-ciel de Tokyo
Vue de la ville de Tokyo du 52e étage de l’immeuble du musée de l’Architecture moderne
Affluence en pleine soirée à un centre d’achat d’Osaka
Le vieux château de l’ancienne Osaka toujours présent dans la ville
Un soir sur une des rives du port d’Osaka
Un statut géant du Musée d’Histoire de Nara
L’entrée du temple shintoïste au parc naturel de Nara
Une aile du temple shintoïste bordant le parc naturel de Nara
Une vue du parc naturel de Nara
Un vieil arbre très étendu au jardin du parc de Kanazawa
Un coin du jardin du parc de Kanazawa
Un autre coin du jardin du parc de Kanazawa – le travail pour sculpter les arbres
Le temple bouddhiste surplombant la ville de Kyoto
Une pagode au temple bouddhiste de Kyoto
Le bâtiment central du temple bouddhiste dominant la ville de Kyoto
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La levée du jour, un matin, à Kobe