par Sputnik Afrique
Les Européens sentent que l’Afrique sort peu à peu de leur zone d’influence et s’en inquiètent, explique à Sputnik Lianhoué Imhotep Bayala, politologue burkinabé. L’apparition de nouveaux partenaires comme la Russie rebat les cartes sur le continent.
L’Europe commence à rétropédaler. Faisant face au désamour de plus en plus flagrant des pays africains, l’UE dit vouloir accorder plus d’attention au continent noir. C’est en tout cas ce qu’a fait valoir récemment Hervé Bléjean, chef d’état-major de l’UE, qui a appelé les Européens à ne pas « se concentrer exclusivement sur leurs voisins les plus proches », en particulier l’Ukraine.
Une opération de séduction qui ne trompe personne en Afrique, explique à Sputnik le politologue burkinabé Lianhoué Imhotep Bayala, qui y voit un aveu de faiblesse plus qu’autre chose.
« C’est une rhétorique qui révèle l’état malheureux d’une Europe agonisante, qui ne se remet plus de sa maladie d’orgueil. L’UE a conscience de son impopularité grandissante auprès des masses africaines. Elle essaie donc de faire passer l’Afrique comme une priorité. C’est un discours charmeur, un discours d’humilité, dans l’espoir de pouvoir susciter chez les Africains un peu de compassion », déclare-t-il ainsi.
L’Afrique revêt en effet une grande importance pour l’Europe, en particulier en raison de ses richesses minières, souligne encore l’analyste, rappelant que la France possède le cinquième des réserves d’or au monde alors que son sous-sol en est presque dépourvu.
L’avènement d’un monde multipolaire et d’une Afrique pleinement souveraine ne peut donc que nuire à l’Europe, indique Lianhoué Imhotep Bayala.
« Refuser de constater que le monde est devenu multipolaire, c’est jouer la politique de l’autruche. Aujourd’hui l’Afrique est ouverte au reste du monde, elle est sortie de la prison coloniale, dans laquelle l’avait enfermée les États occidentaux. Et cette Afrique s’ouvrant à d’autres partenaires présente un risque pour l’Europe, qui ne veut pas que le continent et ses richesses lui échappent », explique-t-il.
Nouveaux partenariats
L’émergence de ce monde multipolaire permet également à l’Afrique de choisir ses partenaires, en fonction de ses intérêts. Les liens noués avec la Russie dans certains secteurs devraient ainsi permettre au continent d’avancer en s’émancipant du modèle occidental, ce qui en agace certains, affirme encore Lianhoué Imhotep Bayala.
« Le rapprochement russe avec l’Afrique garantit aux pays du continent la possibilité de construire des nations souveraines, des économies prospères, un leadership permettant aux populations de s’épanouir, ce qui rend l’Europe complètement folle. La seule évocation de la Russie fait paniquer l’UE et c’est tout à l’honneur de cette puissance, qui est aujourd’hui perçue par les Africains comme une alternative fiable à l’escroquerie occidentale », déclare-t-il.
Si l’Europe veut entrer à nouveau dans la danse, elle devra pour sa part revoir sa copie et « humaniser » ses rapports avec l’Afrique, ajoute le politologue. La question de la reconnaissance des crimes européens sur le continent et d’éventuelles réparations doit être notamment posée, souligne-t-il.
Ce 6 avril, Hervé Bléjean, chef d’état-major de l’UE avait appelé les Européens à « entendre la position » des pays africains souhaitant diversifier leurs partenariats, tout en s’adaptant pour ne pas céder ce continent d’importance stratégique. Le haut gradé avait notamment pointé du doigt les votes des pays africains à l’ONU sur l’Ukraine, beaucoup ayant pris le contrepied de l’Occident.
source : Sputnik Afrique