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Russie Occident, l’autre guerre de 100 ans (troisième partie)

 

1 juin 2023
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• 1ère partie – Russie Occident, l’autre guerre de 100 ans
• 2ème partie – Russie Occident, l’autre guerre de 100 ans

***

par Daniel Arnaud

Dans la seconde partie nous décrivions les phases de la guerre de 100 ans russo-occidentale, et montrions comment elles s’enchainent pour mener l’occident à «l’âge de la déraison» dans lequel il se débat aujourd’hui. Nous re-définissions ensuite le conflit entre les USA et la Russie, comme celui opposant les pays producteurs de biens et ceux qui les consomment, et en tirions les conséquences, en particulier en termes d’affaiblissement de l’occident.

Vu de Russie : achever la victoire de 1945 et gagner la guerre de 100 ans

En ce qui concerne la Russie, le conflit est existentiel au sens classique du terme. Perdre peut signifier la disparition du pays, de la même façon que l’URSS a cessé d’exister. Il est vraisemblable que l’état Russe est entré dans cette guerre sans avoir pleinement conscience de ce fait. Les buts de guerre avoués étaient la dénazification, et la neutralisation de l’Ukraine. Cela parait un peu obscur, qu’il me soit permis de les reformuler sous un éclairage historique : il s’agissait simplement de reprendre un peu du considérable terrain géopolitique perdu sous la pression permanente des USA, depuis les accords de Yalta. Ce conflit était en germe dès la première extension de l’OTAN. Je pense que les Russes étaient convaincus, en février 2022, que l’intervention armée amènerait rapidement toutes les parties à la table des négociations pour des discussions, cette fois, sincères. Ils avaient sous-estimé l’importance, aux yeux de la clique des néoconservateurs, du projet de destruction de l’état Russe, la détermination à y sacrifier tous les alliés européens, et la soumission veule des dits alliés aux pressions états-uniennes. Ainsi, ce sont les européens eux-mêmes, qui sont intervenus pour saboter les deux premières tentatives de négociations. Lors de la seconde, Boris Johnson s’est déplacé lui-même à Kiev pour interdire à Zelensky de négocier. Donc, par le geste et la parole, Boris Johnson a convaincu la Russie que l’occident était son véritable ennemi, et qu’aucune négociation ne serait possible. Et rappelons qu’Angela Merkel, mais aussi François Hollande, ont enfoncé le clou en déclarant publiquement que les accords de Minsk n’étaient qu’une manœuvre dilatoire pour se donner le temps de transformer l’Ukraine en tête de pont de l’OTAN. On révèle ainsi à l’opinion publique Russe que : 1) l’hostilité présente de l’Europe n’est pas née de la décision du recours aux armes du 24 février, mais formait déjà l’axe directeur de toute la politique occidentale, 2) tout accord diplomatique avec nous est absolument impossible. La conséquence logique : toute la stratégie russe doit consister à écœurer l’Occident de son projet hostile, ou plus simplement dit, qu’il lui foute la paix une bonne fois pour toute. Au risque de choquer, je vais exprimer les choses ainsi : la victoire de 1945 est, pour l’URSS/Russie une victoire à la Pyrrhus. Elle l’a laissée exsangue, ce dont l’occident a aussitôt outrageusement profité. Fait unique dans l’histoire, les États-Unis ont établi leur empire sur la base d’une victoire qui avait surtout été payée du sang d’un allié, la Russie. Puis, ils ont utilisé la force qui en résultait pour tenter de réduire cet ex-allié. Et, il faut le reconnaître, ils ont été bien proche de réussir dans les années 90.

Ainsi, le conflit qui a éclaté le 24 février, est un conflit global, militaire, diplomatique et économique qui a pour enjeu la fin de la guerre de 100 ans que l’occident mène contre la Russie, donc la révision des conditions de la sortie du second conflit mondial. C’est une lutte «à mort», où la Russie joue sa survie. Une défaite signifierait la disparition de l’état, et le morcellement du pays en états colonisés, ainsi qu’un appauvrissement draconien de la population, toutes les ressources étants détournées, au profit des plus importants intérêts financiers occidentaux. A terme, c’est la culture russe qui disparaîtrait.

Quelle stratégie pour la Russie : Bzrezinski traduit en Russe !

Alors, quelle est la stratégie qui permettrait à la Russie d’atteindre son but : mettre un point final à 100 ans de visées occidentales sur son territoire et ses ressources ? Levons-nous, faisons le tour de la table, et regardons la carte qui y est disposée, du point de vue de Moscou. Le brillant raisonnement de Brzezinski, la Russie sans l’Ukraine n’est plus qu’une puissance régionale, peut être retourné. Que sont les USA sans leurs sujets Européens ? Réponse : sans l’Europe, les USA ne sont plus qu’une puissance parmi d’autres. Je suis convaincu que c’est un concept qui aujourd’hui agite les stratèges en Russie. Une victoire totale de la Russie passerait par la destruction du système impérial que les USA ont mis en place en 1945, et que, ironiquement, les Russes ont payé de leur sang. Et cela passerait par la destruction de l’Europe, non pas physique, mais diplomatique et économique. Mais rappelons-le, la guerre économique est une vraie guerre, et les deux guerres mondiales se sont jouées aussi, et en grande partie sur ce terrain. C’est bien parce que les USA étaient les vainqueurs économiques de la deuxième guerre mondiale, qu’ils ont pu «annuler» les effets de la victoire militaire de la Russie. Rappelons également qu’il ne se passe plus de semaine sans que nous déclarions notre engagement indéfectible à la victoire de l’Ukraine, que nous ne vidions nos entrepôts pour envoyer des armes qui ne peuvent rien changer sur le terrain. Et comme les choses semblent de plus en plus «compliquées» sur le champ de bataille, voilà que nous promettons d’armer et soutenir une guérilla pour engager la Russie dans un nouvel Afghanistan. Cette dernière ânerie prouve aux Russes, s’il en était encore besoin, que leur victoire militaire, qui s’annonce, sera insuffisante pour terminer le conflit. Ce qu’il faut obtenir, c’est la destruction du NATOstan. Et souvenons-nous, à nouveau, que la déclaration de guerre économique est bien venu de nous, l’Occident, et à une époque où la Russie cherchait sincèrement à approfondir ses liens avec l’Europe, et même à intégrer certaines de ses institutions. C’est nous qui nous sommes positionnés en ennemi les premiers. En conséquence, si la Russie doit nous infliger des souffrances pour atteindre ses buts géopolitiques, elle le fera avec le sentiment d’être dans son bon droit, et, il est important de le noter, avec l’assentiment de la population.

La Russie ne communique pas, on est donc contraint d’analyser les faits dont nous avons connaissance de manière incontestable pour tenter déterminer une partie de la pensée stratégique Russe. Il est clair que les premiers mois du conflit ont été mené dans l’hypothèse que tout le monde viendrait rapidement à la table des négociations, pour construire le nouveau système de sécurité européen que la Russie appelait de ses vœux depuis des années. Je ne crois pas à l’hypothèse de l’espoir d’un écroulement de l’état Ukrainien, car dans ce cas, il aurait fallu plus de troupes pour assurer la sécurité pendant la transition vers un état qui aurait été un vassal de la Russie. Les faibles effectifs engagés le 24 février 2022 suggèrent bien plus que le but était d’amener les USA et l’UE à négocier. Pour qu’un accord est des chances raisonnables d’être mis en œuvre après sa signature, il aurait fallu un pouvoir ukrainien raisonnablement légitime pour que la population l’accepte. Espérer qu’un état installé par une puissance étrangère puisse jouer ce rôle est absurde. Pour la Russie, cela aurait été renouveler l’erreur du coup d’état de 2014, qui a bien vu tout une partie de la population se soulever contre le nouveau pouvoir installé par les USA. Après que les tentatives de négociation aient été sabotées par les pays européens, en particulier le Royaume Uni, l’état-major russe a ordonné un retour sur une ligne de front plus courte, et qu’il a fait fortifier. On en déduit logiquement qu’il s’est préparé à une guerre d’attrition. Cela s’accompagne, de manière remarquable, de grande manœuvres diplomatiques, et d’un redéploiement des marchés de l’énergie vers l’Asie. Le signal que la Russie envoie est que ce qui se passe sur le terrain de combat, est somme toute secondaire ; que le vrai front est celui de la diplomatie et de l’économie : accueil de nouveaux pays dans les BRICS, remplacement du dollar par le Yuan pour certaines transactions (en nombre grandissant), etc.

À peine quelques semaines après le début du conflit, un ami rentrant du Donbass me disait que les combats y seraient longs, car les fortifications bâties par l’armée ukrainienne pendant 8 ans seraient très difficiles à réduire. Ce fait était connu des militaires du Donbass depuis longtemps. On a donc du mal à imaginer que l’état-major russe l’ait ignoré, et ait donc pu espérer une marche victorieuse de type blitzkrieg sur Kiev, pour s’y installer durablement. De même, durant ces années, la Russie a construit un outil militaire d’une taille adaptée à ses moyens et ses ambitions, sans se lancer dans une course aux armements épuisantes. Au contraire, elle a investi dans les armes hypersoniques, rendant toute attaque nucléaire préemptive suicidaire, mais rendant aussi impossible un soutien logistique des USA vers l’Europe en cas de guerre ouverte. Il y a donc bien eu une réflexion stratégique multi-vectorielle durant les 8 ans qui séparent les hostilités du coup d’état de 2014. On peut donc supposer que la stratégie diplomatique déployée en ce moment a été tout aussi pensée, et s’articule avec la stratégie strictement militaire. Cela ne veut pas dire qu’il n’y ait pas eu d’erreurs, et la sous-estimation de l’enthousiasme européen à s’autodétruire est sûrement la principale. Mais je ne pense pas qu’une sous-estimation grossière de la résistance des fortifications ukrainiennes, et de la réalité du terrain dans son ensemble, en fasse partie.

Au contraire, je pense que la résilience ukrainienne a été assez bien estimée, précisément parce que la proximité culturelle entre les deux pays leurs permet de se jauger mutuellement assez précisément. Les Ukrainiens résistent comme les Russes, et vice versa. La stratégie russe consiste donc à frapper au point faible, c’est à dire l’UE. Elle le fait en nous aidant à nous enfermer dans une «chaudron diplomatique». Et elle joue sur du velours. Nos guerres néo-coloniales des vingt dernières années, ainsi que notre diplomatie du «wokisme» nous rendent odieux aux yeux de la majorité de la population mondiale. Notre soumission aux USA nous rend méprisables. Nous perdons ainsi à grande vitesse notre influence sur le cours de l’histoire mondiale, au profit de la Russie et surtout de l’Asie en générale. Les actions et les transformations des sociétés occidentales européennes au cours des vingt dernières années, ont démontré au monde que nos valeurs étaient essentiellement des jingles servant à justifier des politiques de prédation, et génératrices d’inégalités sociales insupportables. Enfin, notre auto-proclamation comme empire du bien, nous être lancés dans une croisade internationale pour les droits des minorités sexuelles, vient saper toute l’efficacité de notre soft-power. De la part de la Russie, il serait idiot de ne pas en profiter.

Est-ce efficace ? Pour le moment, il semble bien que oui. Nos économies s’épuisent, les pays non occidentaux tentent de se dégager du système financier centré sur les États-Unis. Le monde multipolaire émerge. La Russie et la Chine se rapproche de plus en plus, unissant une base industrielle puissante à toutes les ressources nécessaires pour l’alimenter. La Russie partage avec la Chine son avance en matière de technologie militaire. Pendant ce temps, en Europe, les populations manifestent, et la presse se gargarise, l’Ukraine doit gagner, l’Ukraine gagne, et de temps en temps on lui envoie quatre chars, ou quelques missiles, de quoi tenir une journée. Quant aux morts ukrainiens, qui devraient quand même être notre première préoccupation, c’est à peine s’ils existent dans les médias. Et on ne peut même pas surestimer le talent russe, car une grande partie de l’efficacité de la Russie provient de nos propres erreurs, en particulier les politiques énergétiques erratiques des vingt dernières années, ainsi que celles des délocalisations industrielles massives.

La stratégie des USA : le plan B

La stratégie initiale des USA était de provoquer la dislocation de la Russie par le jeu de sanctions économiques d’une intensité jamais atteinte. À l’évidence, c’est un échec. Et de cet échec en vient un autre, bien plus grave : la perte de confiance dans le système financier centré autour du dollar. Comme dit plus haut, placé dans une position impériale, les USA ont besoin des flux financiers provenant du reste du monde. La saisie des avoirs de l’état Russe, sans l’écroulement de son économie, signe la fin, à plus ou moins longue échéance, du système dollar. Donc la raison commanderait d’en prendre acte, et de «réduire la voilure». Loin de là, les États-Unis viennent d’annoncer une augmentation pharaonique de leur budget militaire pour les années à venir. D’où viendra l’argent ? Depuis l’explosion de NorthStream la réponse va de soi : du pillage sans retenu de l’Europe. Je fais l’hypothèse que les États-Unis ont déjà pris acte de la défaite : la Russie ne sombrera pas. On ne pourra pas se ré-approprier ses ressources comme dans les années 90. Et la Chine n’est plus seulement l’atelier du monde. C’est devenu la première puissance économique mondiale, avec des ambitions géopolitiques (à ne pas confondre avec une posture impérialiste, cependant). Mais l’Europe reste encore suffisamment riche. Les USA vont donc accepter la multipolarité, et se concentrer sur l’empire «noyau», celui qu’ils ont acquis à la fin de la seconde guerre mondiale, formé de l’Europe, le Japon, et de l’anglosphère (Australie, Canada, Nouvelle Zélande, etc). Pour l’Europe, c’est une très mauvaise nouvelle. Car les USA ne sont plus la puissance victorieuse de 1945, pays incomparablement le plus riche de la planète, responsable de 50% de la production industrielle mondiale, et partant non seulement généreuse, mais ayant les moyens de sa générosité. C’est au contraire une puissance assez humiliée, ayant subi défaites militaires sur défaites militaires pendant 20 ans, appauvrie, déchirée par des conflits internes d’une grande gravité, et qui est donc vindicative et prédatrice. La manière dont ils profitent de la dépendance énergétique qu’ils ont eux-mêmes créée en est le signe le plus clair, et ce n’est qu’un début. On peut hélas parier que d’ici dix ans, Mercedes, BMW, Airbus, Ariane, etc., seront des entreprises américaines.

La Russie étant toujours debout, et les économistes prévoyant même une solide croissance pour 2023 et 2024, l’idée que l’Ukraine reprenne et le Donbass et la Crimée étant absurde, les USA et l’Europe vont bien devoir faire face à ce qui est un échec, voir une défaite. Pour les États-Unis, cela n’a rien d’effrayant. Voilà des années qu’ils connaissent des défaites retentissantes, accompagnées d’images humiliantes de personnel diplomatique s’enfuyant en hélicoptère depuis le toit de leurs ambassades. La dernière s’est produite en Afghanistan, à la suite de quoi ils se sont attaqués à la Russie ! Il semble que le pays est acquis une capacité d’indifférence à ces défaites sur les théâtres extérieurs. Ils laissent tomber leurs alliés d’hier et passent à autre chose. Si vraiment la blessure d’amour propre gratouille trop fort, on fait quelques films pour la cicatriser. Il en sera de même avec l’Ukraine, et d’ailleurs, les premiers frémissements dans la presse d’un changement d’attitude apparaissent. Pour les USA, la défaite militaire ne pose pas de problèmes particuliers. Ce sont les conséquences du conflit sur l’ordre économique mondial qui sont-elles très sérieuses, mais à nouveau, le plan B est déjà en course d’exécution. Pourtant, comment la société états-unienne, ultra polarisée, supportera les conséquences croissantes du conflit contre la Russie et la Chine, appelé à prendre de l’ampleur ? Il est difficile de le dire. Mais s’il se produit un événement grave, comme une dislocation de l’état fédéral, sur le mode de feu l’URSS, le conflit ne sera qu’un élément déclencheur, les raisons profondes étant, comme pour l’URSS, les contradictions internes devenues trop insupportables.

Pour l’Europe le risque est très différent.

L’Europe encerclée

Observant l’Europe dans ce conflit, on se dit que tous les fusibles de la raison ont fondu. Car même si on se place du point de vue de l’oligarchie, la mise sous tutelle, la vassalisation de l’Europe par les USA n’est pas une bonne nouvelle. Certes ils ne seront pas conduits à mendier leurs diners. Mais il en résultera un déclassement en termes de richesse mais aussi, et surtout en termes de puissance, qui devrait les conduire à la redouter. Pourtant, tout l’establishment Européen soutien une attitude très agressive vis à vis de la Russie. Songeons que pour les industriels allemands, le sabotage de NorthStream signifie le choix entre la ruine, ou la reddition aux intérêts américains. Pourtant, il n’y a pas eu un murmure outre Rhin pour s’insurger, même quand Seymour Hersh a confirmé que l’action venait bien des USA.

Vraisemblablement, l’impotence politique de l’Europe, son impuissance même, plonge ses racines dans le projet idiot de réunir dans une seul état des populations ne partageant ni les mêmes valeurs, ni la même vision de l’histoire. L’Europe est un continent, une construction géographique. Dans cette vision, sa frontière terrestre est sur l’Oural. Mais à partir du moment où l’on décide d’en donner une définition politique, se pose alors la question des frontières au sens géopolitique. Tant qu’existait l’URSS, les choses étaient claires, la frontière était celle où se rencontraient les pays sous influence américaine, et ceux sous influence soviétique. De manière trivial, l’identité trans-européenne se définissait par rapport à un ennemi. Quand l’ennemi a disparu, la question d’une véritable identité, endogène, s’est posée. Ainsi, la frontière se déplaçait vers l’Est, agrégeant des pays de plus en plus nombreux, ne partageant ni la même vision de l’histoire, ni les mêmes intérêts, ni les mêmes valeurs. Pourtant, il existe bien une forme d’identité européenne, et celle-ci est culturelle. Car effectivement, on connait intuitivement que Saint-Sens, Chopin ou Tchaikovski sont des compositeurs Européens, Dickens, Zola ou Tolstoï sont des auteurs européens, etc. Bien que le continent a été déchiré par de nombreuses guerres, il a développé une forme de culture commune, qui est définissable au-delà des différences de langues et de coutumes, de formes, etc. Tout aussi intuitivement, un Français se sentira moins dépaysé à Vladivostock qu’à Pékin. En fait, il y a une escroquerie historique considérable à vouloir confondre la frontière de l’Union Européenne à celle de l’Europe en tant qu’objet et processus historique.

Sans valeurs communes, sans vision historique commune, l’Union européenne adopte la caricature de progressisme que les USA exportent sous le nom de «wokisme», et pour trouver un ersatz d’identité, se reconstruit un ennemi extérieur, recyclant de manière commode celui qui a assuré sa cohésion durant la guerre froide. Ainsi, sa position sur l’Ukraine associe les bonnes vieilles traditions impérialistes, et les nécessités politiques générées par une tentative d’unification an-historique. Elle entre donc dans un processus politique irrationnel parfaitement auto-destructeur. Mais reconnaitre à la Russie et sa part d’identité Européenne, et sa part d’altérité, avec la reconnaissance de ses intérêts particulier dans le destin européen, la conduirait inévitablement à renoncer à la définition d’une identité transnationale européenne. Ainsi, les facteurs objectifs et subjectifs se renforcent les uns les autres pour la conduire au suicide.

L’Europe se trouve donc au centre d’un réseau de tensions difficilement soutenables. La Russie a intérêt à son affaiblissement, et de préférence à la disparition des institutions européennes, qu’elle voit comme un relais de la volonté de Washington. Elle le fait d’une part en la laissant s’épuiser à soutenir l’Ukraine. Car il serait probablement assez facile de couper les lignes d’approvisionnement en armes occidentales, donnant à l’UE une bonne raison de cesser son soutien. Elle le fait aussi en développant des institutions qui, ne serait-ce que sur le plan économique, sont plus attractives que celles de l’UE, et cela, en particulier, usant de l’exemple dissuasif de la saisie de ses actifs en Euros.

Les USA eux, ont intérêts à l’asservissement de l’Europe. Et ils ont entamé celui-ci avec sa mise sous dépendance énergétique, ainsi qu’en attirant sur leur sol les entreprises qui ont besoin d’énergie meilleur marché.

Ainsi, par sa politique absurde et déracinée de toute réalité historique, l’UE se trouve encerclée par son ennemi et son «allié» (qu’il me soit permis de rajouter ici des guillemets). Pourtant, aucun des deux n’a intérêt à sa «mort», à une crise systémique plus sévère encore que celle qu’a connue la Russie en 1991. Quand elle surviendra, elle ne pourra se le reprocher qu’à elle-même.

Conclusion militaire du conflit

Quelle pourrait être la conclusion sur le terrain militaire ? Cela reste encore très difficile à dire. On a prédit une grande offensive Russe qui ne vient toujours pas. L’une des raisons est que pour maintenir l’adhésion populaire russe, il faut éviter une grande bataille coûteuse en vies. On voit bien que l’état-major russe ne se soucie pas d’une victoire qui serait sanglante. Et puis, demeure la question de la réaction occidentale. En cas de défaite spectaculaire, est-on à l’abri d’un emballement vers un conflit généralisé ? L’investissement émotionnel est tel en Europe, que c’est un paramètre à prendre en compte. Pour le moment, on a plutôt l’impression que le choix est d’attendre que l’armée ukrainienne s’effondre faute d’effectif. Il sera alors possible de s’avancer jusqu’aux frontières du Donbass, et de reprendre les négociations. L’Ukraine sortirait du conflit vaincu, mais avec honneur. N’étant pas humiliée, elle pourrait reprendre les négociations la tête haute. Ce serait une conclusion logique. Elle permettrait aux USA de se retirer également sans humiliation, et amortir la défaite auprès de leur opinion publique comme ils ont su le faire depuis le Vietnam. Mais la vraie question est : est-ce que l’Europe, perdue dans son délire idéologique, n’interdirait pas, à nouveau, la négociation. Hélas pour nous, nous sommes sûrement devenus l’acteur le plus imprévisible du conflit. Même l’Ukraine, en dépit des phénomènes de corruptions, a fait preuve de plus de maturité politique. Car, à nouveau, rappelons-le : elle a tenté par deux fois d’entamer des négociations, et c’est l’Europe qui les a sabotées. Si maintenant elle parait tentée par l’idée démente d’amener l’OTAN à se lancer dans une campagne militaire sur son territoire, c’est du fait d’avoir été placée, par cette même OTAN, dans une situation désespérée. 

Il faut aussi mentionner le cas particulier d’Odessa. Dans l’imaginaire russe, elle joue un rôle comparable à celui de Marseille pour les Français. Elle est la source d’une culture et d’un humour particulier. Or, si elle demeure dans un état ukrainien issu du conflit, son identité sera détruite et la population subira la violence des extrémistes, comme cela a déjà été le cas dans le passé. Il y donc deux solutions pour cette ville : soit la conquête, avec toute la violence et les destructions que cela signifie, ou l’attribution d’un statut particulier, garantit par des pays européens et la Russie. Pour que cette solution, qui serait préférable, soit envisageable, il faudrait un minimum de confiance entre les parties. Le sabotage avoué des accords de Minsk par la France et l’Allemagne a fait voler en éclats en Russie l’idée même que l’on peut mener des négociations honnêtes avec les pays occidentaux.

Cette considération ne concerne pas seulement le cas d’Odessa, mais le règlement du conflit en général. Pour la partie russe, les européens ne sont plus des négociateurs sincères, et seront toujours suspects de chercher à gagner du temps pour préparer le prochain acte hostile. Cela a deux conséquences particulièrement graves :

D’abord la Russie voudra être sûre que l’outil militaire ukrainien est définitivement détruit, ce qui veut aussi dire, que l’Europe et les USA n’auront plus les moyens de le reconstruire. La destruction des moyens militaires, et l’épuisement des ressources occidentales, impliquent un coût humain terrible. Par la trahison de la parole donnée, la France et l’Allemagne en porte une part importante de responsabilité.

La diplomatie des deux principales puissances européennes étant décrédibilisée, il faudra un garant non européen à tout accord de cessez-le-feu ou de paix. C’est là un point parfaitement choquant si l’on y songe bien : peu importe la ligne de cessez-le-feu, la nouvelle frontière, l’accord et la nouvelle géographie européenne sera garantie par, la Chine, l’Inde, la Turquie peut-être. La France et l’Allemagne seront peut-être invitées à prendre place sur un strapontin pour parapher l’accord loin en dessous de la signature de Xi Jinping par exemple, mais ce sera pour le show. La réalité est que l’Europe sera exclue de la résolution d’un conflit ayant lieu sur son territoire, pour la première fois de son histoire !

Si j’insiste tant sur la dimension diplomatique, c’est que, dans nos analyses du conflit qui commence le 24 février 2022, nous sommes gênés par les habitudes de pensées issues de la mère de toutes les guerres : celle de 1940. Alors, la dimension militaire était prépondérante, et l’ampleur des combats, des pertes, des souffrances, agissent encore sur notre idée de ce qu’est la guerre. L’épisode de la guerre de cent ans que nous observons aujourd’hui, et qui, de mon point de vue, doit la clore, diffère profondément en ce que les aspects diplomatiques et économiques surclassent largement les aspects militaires. Dans la manière dont la Russie utilise un théâtre d’opération limité dans son extension géographique et dans les moyens militaires engagés, afin de provoquer un bouleversement de l’ordre mondial, on est tenté de voir une extension de l’art opératif à la diplomatie, politique et économique.

Et justement, d’ici environ un mois, se tiendra le SPIEF (Forum économique de Saint-Pétersbourg). Il rassemblera d’éminentes personnalités du monde entier venant participer à ce qui est devenu un événement majeur pour ce qui concerne l’économie de l’Eurasie, avec tout ce que cela peut représenter de stratégique. D’Inde, de Chine, d’Afrique, du Moyen-Orient, d’Amérique Latine, on viendra confortablement et rapidement à bord de vols directs. En revanche, pour les européens qui voudraient participer, il faudra soit prendre un bien pour la Turquie ou pour l’Arménie, ou la Géorgie, puis un second vol pour Moscou ou Saint-Pétersbourg, avec plusieurs heures d’attente entre les deux, le prix étant environ quatre fois plus cher. Ou alors, on pourra aussi transiter par Helsinki, puis passer la nuit dans un car pour se rendre à Saint-Pétersbourg. Et ces contraintes, nous nous les sommes infligées volontairement ! Ainsi, peu d’Européens feront le voyage, d’autant plus qu’ils en seront souvent découragés par leurs pairs. Dans la ville que Pierre le Grand a bâti, ironie de l’Histoire, pour se rapprocher de l’Europe, si proche de nous mais désormais si éloignée du fait de notre stupidité, le monde se rassemblera, et en notre absence, se prendront des décisions importantes, engageant notre avenir avec celui du monde, vraisemblablement de nouvelles demandes d’adhésions au BRICS, par exemple. Peut-on trouver une plus belle et symbolique illustration de la splendide médiocrité intellectuelle des élites européennes, que cette exclusion volontaire des nouveaux mécanismes et organisations autour duquel le monde évolue ? Elle rappelle cruellement celle qui caractérisait les élites de l’URSS finissante. À ceux que le parallèle choquerait, je conseille de trouver une photo du Brejnev gâteux et tardif, à la tribune de la place rouge, et, d’un coup de photoshop, de remplacer son visage par celui de Joe Biden avec ses lunettes de soleil. Divertissant et convaincant, n’est-ce pas ?

En guise de conclusion provisoire : les cicatrices de l’histoire

On sait bien que la géopolitique s’embarrasse peu de morale. Mais il est difficile de conclure sans parler des souffrances, ou pour dire les choses dans leur simplicité crue, du mal que nous avons répandu.

Il y a d’abord les centaines de milliers de morts qui formeront, selon toute vraisemblance, le bilan final de la guerre fratricide que nous avons provoquée, et prolongée (voir les déclarations de Naftali Benett). Tout en reconnaissant que c’est l’Ukraine qui paye le prix le plus fort, qu’il me soit permis toutefois de les invoquer ensemble, Ukrainiens et Russes. Car, je ne sache pas, que les larmes d’une mère pleurant sur la tombe de son enfant se soucient de la couleur de son passeport. Elles sont toutes aussi brûlantes, et aussi longues à sécher. Mais cela, sans en nier la cruelle importance, c’est la partie immergée de l’iceberg.

Car, afin de mettre en oeuvre le délire eschatologique de Zbigniew Brzezinski (j’emprunte l’expression à la brillante recension de son livre faîte par Olivier Berruyer sur son blog «Les Crises»), les USA, puis le reste de l’Occident, se sont lancés dans un remarquable programme d’ingénierie sociale pour séparer l’Ukraine et la Russie. Grâce aux déclarations de Viktoria Nuland, nous savons même combien cela a coûté ! Mais personne, parmi les élites occidentales ne s’est posé la question de la dangerosité de la matière historique qu’ils trituraient ainsi. Car de l’Histoire, leur ignorance crasse leur a fait perdre tout sens.

Quand l’URSS s’est dissoute, elle a séparé des peuples, Russe, Biélorusse et Ukrainien qui avaient des siècles d’histoire commune. Il leur fallait reconstruire, ou inventer une nouvelle identité nationale. C’est pour l’Ukraine que l’équation était la plus difficile. Ses frontières, héritées de l’Union, étaient en partie artificielles, on le répète souvent. Et alors ? Aurait-elle été le seul état, né des turbulences de l’histoire, et dont les limites sont tracées un jour sur une carte par le «fait du prince» ? Oui, il est plus difficile de faire vivre ensemble une population multi-ethnique, multi-linguistique et pluri-religieuse que si elle est homogène. Il aurait fallu aider ce jeune état à surmonter ses divisions. Nous avons, nous les champions auto-proclamés de la diversité, ressuscité les haines recuites, fouillé du couteau les blessures de l’histoire. Sans surprise, l’état a éclaté.

Ainsi, ses trois peuples devaient, en quelque sorte, se «réinventer». Ils s’en furent donc à la recherche d’une continuité historique qui, jetant des passerelles sur les violentes ruptures de leur vingtième siècle, leur rende le sens d’un destin commun. Pour l’Ukraine et la Russie, cela ne pouvait être fait qu’ensemble étant donné leurs liens séculaires. Accomplir cette démarche dans le respect des souverainetés nouvelles n’était pas si difficile, et sans nos interventions, on peut estimer que c’est cela qui se serait passé. Mais comme il nous fallait créer de l’antagonisme, nous sommes allés chercher la charogne la plus malodorante au fond des fameuses poubelles de l’Histoire. Nous avons instrumentalisé une minorité ultra-nationaliste qui s’identifiait et partageait les idées de anciens collaborateurs des nazis, ceux que l’on nomme les Bandéristes.

Or, dans cette recherche de ce qui pourrait rendre du sens et de l’unité pour vivre ensemble, le souvenir de la guerre, de l’immense sacrifice et de la victoire de mai 1945, a rapidement joué un rôle central. Et c’est normal. Quand deux Russes, ou deux Ukrainiens, se rencontrent, il se peut que le grand-père de l’un, pourquoi pas tchekiste, ait, un jour, arrêté le grand-père de l’autre. Peut-être ! Mais il est, en revanche, presque certain, que l’essentiel des membres de leurs deux familles ont, soit combattu coudes à coudes les Allemands, soit que quelques-uns soient morts de fait de leurs exactions.

Ainsi, en jouant de ces anciens antagonismes entre ceux qui avaient collaboré, et ceux qui se sont battus contre les nazis, nous avons touché à quelque chose de très profond, le cœur même d’une identité retrouvée. La révolte qui a enflammé, en 2014, le sud-est de l’Ukraine était donc spontanée. Il était impossible pour des populations qui s’identifiaient à la lutte contre le nazisme, de vivre sous un pouvoir qui faisait de Stepan Bandera un héros.

Les guerres se finissent, et les chagrins s’éteignent quand leur propre mort délivre les mères de leur deuil. Les blessures de l’Histoire guérissent bien plus lentement. Elle s’enfonce dans le passé, pour agir comme les plaques tectoniques qui, sous nos pieds, accumulent les tensions qui finissent par se libérer. Elles ressurgissent dans les éruptions de violence qui sont souvent d’autant plus forte qu’elles se sont nourries de temps de sommeil. C’est avec ce genre de forces que nous avons joué, et continuons, aveugles et sourds aux souffrances que nous générons, à le faire. Pourront-ils nous pardonner cette félonie ?

Mais nous oublions que les mêmes tensions traversent toute l’Europe. Car nous partageons ce passé. La frontière que nous voulons tracer à l’Est de l’Union européenne, n’a aucun sens culturel, et se joue encore plus de l’Histoire. Nos lignées ancestrales de nazis, de fascistes, de collaborateurs, de Franquistes, nous observent avec satisfaction. Pendant que nous chantons, sur tous les modes connus et inconnus, la diversité, tout cet héritage remonte et s’infiltre entre les failles que nous avons ouvertes en Ukraine. Je suis un peu hésitant devant le concept de justice immanente, et assez peu porté à la prophétie, mais il m’étonnerait fort que nous ne finissions pas par payer au prix fort cette trahison de toutes nos valeurs. Peut-être même payerons nous plus cher que l’Ukraine.

Pour finir, puisqu’il est aujourd’hui public que nous avons, non seulement voulu et préparé cette guerre, mais que nous l’avons aussi prolongée en sabotant les négociations, il serait temps enfin de nous poser la suivante : le jour où une mère ukrainienne viendra nous demander des comptes pour son fils mort en défendant sa patrie, ainsi que pour le fils de sa sœur, russe, mort de l’autre côté de la ligne de front, quelle sera notre réponse ?

source : Vu du Droit



 
…
 

 

Régis de Castelnau : Guerre en Ukraine (vidéo intermède)

Après la chute de Bakhmout et dans l’attente de la fameuse «contre-offensive ukrainienne», poursuite de la guerre de la communication. Aiguillonnés par l’OTAN et conseillés par les experts de plateaux les Ukrainiens lancent des opérations de diversion. «Cheval de Troie à l’envers» nous dit BHL, stratégie des «Mille piqûres» analyse le sergent Garcia et Jean Dominique Merchet change les piles de sa calculette pour savoir quelle surface le commando néonazi a envahi la région de Belgorod avant que les survivants repartent en courant.

Pendant ce temps, et après le G7 d’Hiroshima on se demande si des négociations de paix seraient possibles.

A priori non.

Explications.

Les éclairages de Vu du Droit
Sommaire
  • Informations sur les modifications du programme
  • Négociation ? Quelle négociation ? 

 

 

source : Vu du Droit

Une civilisation en crise

26 mai 2023

par Pierluigi Fagan

Je reproduis le texte d’une intervention en deux posts différents publiés sur ma page FB où je poursuis maintenant mon journal de recherche qui a animé les premières années de ce blog récemment négligé.

En réponse au titre de l’article, clarifions d’abord le point de vue de notre discours. Notre point de vue est historique, nous regardons l’objet civilisation, la civilisation occidentale en particulier, du point de vue du cours historique. Le sujet est vaste et complexe et souffrira d’être réduit à quelques billets.

Cette civilisation, née avec les Grecs il y a deux mille sept cents ans, a été pendant plus de quatre-vingts pour cent de son temps un système local et interne. Pour le reste, à partir du XVIe siècle et jusqu’aux débuts de la période que nous appelons moderne, le système a connu un big bang inflationniste qui s’est étendu à toute la planète, non pas en absorbant l’espace, les peuples et la nature en son sein, mais en les soumettant et en les exploitant. Il convient de préciser qu’il ne s’agit pas ici de porter des jugements moraux, mais seulement de procéder à une analyse fonctionnelle. Au cours de ces cinq siècles, la civilisation occidentale s’est suralimentée en étant capable de nourrir son petit intérieur d’une domination relative sur un extérieur beaucoup plus vaste, c’est-à-dire qu’elle a pu compter sur de vastes et riches conditions de possibilité.

Au cours de ces cinq siècles, ce que l’on appelle la civilisation occidentale moderne a profondément changé. En termes de composition, elle a connu une migration interne de son point central depuis la Méditerranée grecque puis romaine, d’abord vers la côte nord-ouest de l’Europe, puis elle a traversé la Manche pour s’installer en Angleterre (puis en Grande-Bretagne, puis au Royaume-Uni), puis elle a traversé l’Atlantique pour s’installer en Amérique du Nord. On pourrait aussi dire que, venant d’une région par nature hyper-connectée géographiquement (Europe, Asie, Moyen-Orient, Afrique du Nord), elle s’est progressivement isolée d’abord continentalement, puis insulairement, pour finir par s’installer sur une terre abritée par deux vastes océans.

L’isolement géographique lui a toutefois valu le pouvoir de dominer une grande partie de l’espace mondial sans risquer trop de contre-réactions, comme cela s’est toujours produit dans la dynamique expansive des empires-civilisations terrestres.

Au niveau de l’équilibre matière-énergie, une région du monde a progressivement dominé une grande partie du monde, a énormément élargi son espace vital.

Ces conditions ont permis à la partie européenne originelle de la civilisation de se diviser en États plus petits. L’Europe a un rapport territoire/population moyen par État bien inférieur à la moyenne mondiale. L’Europe compte à peu près autant d’États que l’ensemble de l’Asie ou de l’Afrique, alors que son espace est quatre ou trois fois plus petit. En outre, cette comparaison n’est même pas tout à fait correcte puisque ce sont précisément les empires européens qui ont partitionné, pour leurs propres intérêts impériaux-coloniaux, l’espace asiatique et africain qui, qui sait, aurait connu d’autres dynamiques s’il avait été laissé libre d’explorer son propre espace de possibilités. Cette étrange partition localiste européenne a montré des signes de déséquilibre systémique évident à deux reprises au cours du siècle dernier, accélérant le processus de migration du centre de la civilisation vers l’île britannique, puis vers l’île continentale nord-américaine.

Ces « États », dont chacun possède son propre peuple appelé « nation », se sont de plus en plus organisés autour d’un double système économico-politique. Sur le plan économique, les Occidentaux ont développé un système suralimenté par des matériaux et des énergies provenant pour la plupart de l’extérieur. À cette surcharge matérielle, ils ont ajouté deux autres surcharges immatérielles. La première provient de l’argent créé à partir de rien qui avance de la valeur que l’on espère ensuite restituer (en éteignant la dette de l’avance) en dégageant un surplus appelé profit. Ce profit est accumulé ou réinvesti pour alimenter de nouveaux cycles. Le second fait par l’énorme développement des connaissances, des savoirs et des pratiques techniques et scientifiques. Matières, énergie, argent et connaissances se sont retrouvés à l’intérieur d’une machine productive-transformatrice. Cette machine, par le biais du travail humain, est devenue le cœur ordonnateur de ces sociétés, chaque producteur étant également un consommateur. Deux flux sont sortis de la machine, l’un de produits ou de services vendus au marché pour obtenir le retour du capital initial plus le profit, l’autre de déchets, de transformation ou de consommation.

Sur le plan politique, l’ordre a été de créer un système original dans la forme mais moins dans le fond, que l’on a appelé, improprement, démocratie ou, dans la veine du mépris de la logique linguistique (oxymores) : démocratie de marché. Le fond est celui habituel de toutes les civilisations depuis cinq mille ans, c’est-à-dire le fait qu’une partie plus petite (le Peu), domine et gouverne avec des fortunes diverses une partie plus grande (le Beaucoup). L’originalité, qui plutôt que démocratique devrait être qualifiée de républicaine, a été que la multitude a eu (au cours des dernières décennies de ces cinq siècles) la faculté d’exprimer un certain goût ou une certaine aversion pour le type d’interprètes du format qui n’a jamais été remis en question. Un goût très superficiel, c’est-à-dire qui ne repose pas sur un partage conscient et profond des différents programmes politiques.

La « crise » dans laquelle est entrée la civilisation occidentale est la restriction plus ou moins brutale de toutes ces conditions de possibilité à la fois. C’est pourquoi on parle de « crise systémique ». Dans un système, l’état de crise, quelle que soit la manière dont il est généré, est toujours la crise de toutes ses parties et de leurs interrelations.

L’arrangement par lequel ce petit système d’Occidentaux a pu dominer un espace beaucoup plus vaste pour se suralimenter n’est plus donné aujourd’hui et le sera de moins en moins dans l’avenir immédiat. Cette nouvelle impossibilité est sous-tendue par une logique historico-démo-physico-culturelle, qui n’est pas un sujet de volontarisme ou de discussion, mais un fait inéluctable. Alors que l’espace des possibilités extérieures se rétrécit de plus en plus, l’étanchéité interne du système se fissure.

En effet, le centre américano-anglo-saxon a une logique et une dynamique propres qui tendent à s’écarter de l’espace européen. À son tour, cette Europe, à l’ontologie géographique et géo-historique précaire, se révèle être un système très faible, vieillissant, hyper-fractionné, vicié par une étrange croyance post-historique selon laquelle le nouvel ordre était applicable à une dynamique pure (le marché) plutôt que statique (l’État alors plus ou moins dynamique). Une sorte d’ontologie des flux tout en forme et sans substance. Ce vieux syndrome de la pensée occidentale selon lequel ces gens pensent que parce que quelque chose peut être pensé, cela le fait exister (connu sous le nom de syndrome des cent thalers) et fonctionner dans le concret.

La partie économique de son ordre a perdu son exclusivité puisqu’elle est désormais répliquée dans le monde entier. De plus, contrairement à ce « reste du monde », l’Occident a déjà produit tout ce dont il avait besoin et continue depuis longtemps à produire des choses qui ne servent plus à rien d’autre qu’à maintenir le système à peine en vie. Enfin, l’Occident continue à avoir de nombreux besoins qu’il n’élude pas parce qu’ils ne peuvent pas être transformés en biens et services.

De plus, on voit ici que le big bang qui a commencé au milieu du 19ème siècle comme une cascade d’inventions génératives (vapeur, mécanique, physique, chimie, santé, électronique), n’a produit dans la seconde moitié du XXe siècle que le domaine des TIC que l’on expérimente maintenant aussi en bio. À tel point que la production matérielle a été abandonnée pour se réfugier dans un rêve immatériel fatigué, de type financier, qui a fait perdre au cœur de la machine productive sa fonction d’ordonnancement social (travail, revenu). Certains pensent qu’il s’agit d’une erreur, aussi parce que la notion d’erreur implique la réversibilité. Malheureusement, il n’y a pas de réversibilité, le problème aurait pu et dû être traité différemment (mondialisation malveillante et son pendant idéologique néolibéral), sans aucun doute, mais la dynamique sous-jacente de la perte de l’élan productif traditionnel était et est, fondamentalement, irréversible.

Bien que les Occidentaux eux-mêmes se considèrent comme des « matérialistes », il n’est peut-être pas évident pour tout le monde de savoir ce que les TIC ou les NBIC (nano-bio-info-cognitifs) « valent » par rapport à la production traditionnelle proprement dite. On ne fait certainement pas vivre un système économique complexe avec la restriction des activités productives nées des différentes révolutions innovantes de la première moitié du 20ème siècle, hypothétiquement compensées par ces nouveaux domaines. D’autre part, les innovations de moyens (nouvelles façons de faire des choses anciennes) ne génèrent pas de nouvelles choses, remplaçant des moyens qui libèrent également des soldes d’emploi négatifs. Des producteurs en crise qui deviennent des crises de consommation, grippant tout le mécanisme.

Le « reste du monde », quant à lui, est au début de la courbe logistique du cycle production-consommation, il a encore beaucoup à faire pour accroître sa richesse collective et personnelle. Rien qu’entre les Indiens et les Chinois, nous en sommes à près de trois milliards d’habitants, la Chine se situant au 72ème rang en termes de PIB/habitant et l’Inde au 144ème (FMI). Et il n’y a pas que la richesse par habitant, il y a aussi l’épaisseur infrastructurelle et collective des pays individuels qui accéderont à une forme de modernité qui leur est propre.

La politique est devenue le sous-système qui a concentré toutes ces dynamiques restrictives en son sein, tentant de les absorber sans les gérer. Le résultat a été la désintégration de la forme soi-disant démocratique au profit d’un républicanisme privatisé ou la perte de toute notion propre de res publica.

Cette brève analyse nous amène à cette liste affligeante de problèmes graves : a) les relations entre l’Occident et le Monde ; b) les relations à l’intérieur de l’Occident (sphères anglo-saxonne et continentale) ; c) l’incohérence des Etats-nations européens et de la forme systémique que les Européens ont pensé se donner au cours des soixante dernières années ; d) la fin du cycle historique de la vie de l’économie moderne pour le seul Occident ; e) la tragédie des formes politiques internes des Etats occidentaux.

Toutes ces questions convergent finalement vers la société dans laquelle et dont nous vivons tous.

***

Les sociétés animales, et les sociétés humaines plus que d’autres, doivent être comprises comme des véhicules adaptatifs. Les individus créent et s’adaptent à la société qui les aide à s’adapter au monde. Une civilisation est un méta-système, moins défini qu’une société proprement dite, mais qui a l’avantage de la masse. L’unité méthodologique est ici la société, la société s’adapte et participe à la civilisation qui l’aide à s’adapter au monde.

L’état de crise illustré ci-dessus traverse tous les niveaux, de la civilisation aux sociétés qui la composent, nations individuelles ou groupes plus homogènes, de celles-ci à leur composition interne par strates, classes, fonctions, jusqu’aux individus. Dans une crise d’adaptation, chacun de ces sujets, individuel ou collectif, se trouve dans la situation difficile d’être, en même temps, « contre et avec » quelqu’un d’autre.

On peut s’intéresser avec bienveillance à l’émergence aujourd’hui de nouveaux pouvoirs dans d’autres sphères de la civilisation, ne serait-ce que parce que cela peut déplacer la structure de notre civilisation, ouvrir sur des changements possibles. Mais ces changements doivent nous voir prêts à assumer la redéfinition de notre civilisation, et certainement pas à aspirer naïvement à être changés par d’autres civilisations. Chaque civilisation est étrangère à l’autre. Les civilisations peuvent et doivent dialoguer et échanger des idées, des traits et des caractères, mais elles restent des sujets dont les finalités, les buts et les voies sont entièrement différents et fondamentalement en concurrence les uns avec les autres.

Ainsi, la crise de notre civilisation nous concerne tous intégralement, même si chacun d’entre nous a des points de distinction et de désaccord avec sa forme actuelle. Elle nous affecte en tant que société qui devrait poursuivre son propre intérêt national, mais « contre et avec » d’autres sociétés similaires, ce qui s’applique également à la dialectique entre les classes, les classes et les fonctions au sein de la société individuelle, jusqu’au niveau individuel et dans les attentes entre les intérêts théoriques et pratiques, même à l’intérieur de nous-mêmes.

L’état de crise ontologique de la civilisation occidentale et de chacune de ses composantes internes est certes la crise de ses modes, de ses structures et de ses processus habituels d’organisation, mais c’est aussi la crise de son propre mental. Pour les humains, le mental a été l’arme adaptative principale et par ailleurs très puissante. L’homme présente une particularité cérébro-mentale qui place un espace entre l’intention et l’action, dans cet espace se trouve la simulation des effets de toute action possible, la pensée. La pensée est une action hors ligne, une hypothèse d’action qui n’a pas encore été mise en œuvre et qui attend de devenir un acte, soumis à la stratégie, à la simulation et à l’évaluation. Par cette nouveauté biologique-fonctionnelle, nous avons perdu tous les traits adaptatifs animaux devenus inutiles (fourrure, griffes, canines et mâchoires puissantes, agilité et muscles, etc.), devenant du même coup l’un des animaux les plus fragiles morphologiquement sur le plan individuel autant que les plus puissants opérationnellement sur le plan collectif, en tout cas les plus adaptatifs.

Nous appelons cette dotation mentale générale l’« image du monde » ; les civilisations, les sociétés en groupes ou prises individuellement, les strates (classes et fonctions internes), les individus en sont dotés. En plus d’être dans la situation inconfortable d’être à la fois « contre et avec », nous nous trouvons aujourd’hui avec un esprit en décalage avec notre époque. Notre esprit distille les cinq siècles de la modernité, alors que certaines structures de pensée qui ont une fonction profonde, architecturale et fondatrice remontent à des siècles et des millénaires (aux gréco-romains, au christianisme). Selon le degré d’épochalisme que nous voulons reconnaître dans le passage historique dans lequel nous sommes tombés, nous constaterons également l’inadéquation plus ou moins profonde de larges pans de notre pensée. Nous sommes dans une ère nouvelle avec une mentalité ancienne. À propos de cette prétendue époque, il n’est peut-être pas inutile de rappeler le simple fait que nous avons triplé la taille de la planète en seulement soixante-dix ans, un événement jamais enregistré dans l’histoire de l’humanité en si peu de temps et qui part déjà de 2,5 milliards d’individus. D’ici 2050, nous aurons quadruplé en raison de transitions démographiques statistiquement inaltérables, quoi que nous décidions de faire au cours des deux prochaines décennies. Tout cela met de plus en plus en évidence les problèmes de compatibilité environnementale de la planète, puisque le monde entier utilise désormais le mode économique moderne (matériaux-énergie-capital-technologie-production-consommation, déchets). Si ce n’est pas une époque, je ne sais pas comment l’appeler autrement.

Ce qui est le plus inquiétant dans cette phase historique, c’est précisément le manque de courage mental. En Occident, les complexes idéologiques se durcissent en de tristes scolasticismes, il n’y a pas de ressort de pensée, dans tous les domaines qui ne sont pas de l’ordre de la mise en œuvre-instrumentale (technique). L’absence de créativité dans notre pensée équivaut à l’impression de vieillesse avancée de nos sociétés à la fin de plus d’un cycle historique.

La pensée occidentale a deux problèmes principaux. Le premier est celui de la forme. Une civilisation, et plus encore sa crise adaptative, est un problème éminemment complexe, c’est-à-dire avec de nombreuses parties, de nombreuses interrelations entre ces parties, des processus non linéaires ou non mécaniques, un système placé dans un contexte turbulent. Qu’il s’agisse de disciplines scientifiques, socio-historiques ou de réflexion, nous avons développé dans la modernité des coupes individuelles, des regards individuels, des méthodologies disciplinaires individuelles. Bien qu’il soit fructueux de décomposer des objets ou des phénomènes afin de réduire leur taille à nos facultés mentales limitées, cela ne revient jamais à la vue complète, n’atteint jamais la « com-préhension », la prise en compte de l’ensemble. Le tout en relation avec son contexte nous échappe systématiquement et avec lui la faculté de pouvoir le manipuler.

Le deuxième problème est que chacune de ces disciplines est encombrée de théories, le plus souvent locales, mais pas seulement. Le paysage théorique est une forêt complexe de liens et de références croisées, tissée dans son propre temps historique, des périodes historiques où notre civilisation était à un point très différent de sa courbe d’adaptation, tout comme le contexte-monde. Dans de nombreuses disciplines essentielles à la compréhension générale, un paradigme mécanique-attemporel régit l’étude et la réflexion sur des choses qui sont pourtant historico-biologiques. Cela fait quatre siècles que notre avidité à fabriquer a conduit au type idéal de machines hydrauliques, de fontaines, d’horloges, le modèle systémique des débuts de l’ère moderne. Puis ce fut le tour de la machine à vapeur, aujourd’hui de l’ordinateur. Mais rien de ce qui fait de nous des êtres humains, bio-sociaux et mentalement conscients n’a à voir avec ces analogies infondées, c’est précisément la logique de la compréhension qui est désaxée. Enfin, ce paysage théorique a sa propre cohérence interne qui, au fil du temps, s’est éloignée de la nature de son objet, produisant un maquis encombrant de problèmes fictifs et déplacés, superposés dans des cadres polémiques alimentés par la compétition idéologique et académique, s’éloignant de plus en plus de la réalité.

Ce qui manque pour évoluer dans l’état de crise à la recherche d’une sortie, ce n’est pas un autre modèle de société avec son interminable liste de « j’aimerais qu’il en soit ainsi » si l’on nous accordait le rôle de « législateur du monde », mais une méthode pour le penser, le discuter et le partager, l’essayer, le faire évoluer avec d’autres. Le plaisir de concevoir des sociétés meilleures nous saisit d’emblée, mais nous n’avons pas la possibilité de ramener ces projets à des faits ou à des tentatives de faits.

En fait, le problème séculaire du pouvoir social est simple. De temps à autre, de petits groupes marqués par une certaine spécialité sociale (anagraphique, sexuelle, militaire, religieuse, ethnique, politique, maintenant économique ou peut-être plus financière), tout en rivalisant les uns avec les autres pour leur part de pouvoir réel, ont été étroitement unis dans la défense du principe structurel selon lequel le Peu domine le Beaucoup en prenant la plupart des avantages adaptatifs de la vie en association. Lors des phases d’abondance relative, le petit nombre a partagé quelques miettes, tandis que lors des phases de restriction, le petit nombre a simplement rejeté toute la contraction sur le grand nombre. C’est ce qui s’est passé au cours des trente dernières années. Pour le plus grand nombre, ce premier principe pratique du pouvoir leur échappe, ils discutent de telle ou telle meilleure forme de société et d’image du monde comme s’ils étaient autorisés à décider de telle ou telle version, alors que le problème est précisément de savoir comment répondre à la question fondamentale « qui décide ? » Il ne s’agit pas de savoir « quoi » décider, cela viendra plus tard, il faut d’abord s’interroger sur le sujet, le « qui », et sur la manière, le « comment ».

Ce qui semble être une transition adaptative inévitable pour nous, en Occident, a le double caractère du mental et du réel, mais pour construire ce dernier, la voie politique doit être trouvée et partagée dans le premier.

Pour ce qui est du mental, la nouvelle ère historique nous impose de connaître l’ensemble, la « liste douloureuse des problèmes graves » que nous avons évoquée, exige des connaissances géo-historiques, culturelles, environnementales, économiques, sociales, politiques, imbriquées les unes dans les autres, en aval d’une nouvelle définition de l’humain, qui ne sera plus l’animal qui fait, mais l’animal qui pense avant de faire. Il y a un nouveau cours de la connaissance à développer parallèlement à celui qui a été poursuivi jusqu’à présent, un cours intégré, systémique-holistique, qui peut aussi donner de nouvelles conditions de possibilité à la pensée pour dépasser les bourbiers forestiers des enchevêtrements théoriques qui ne sont plus utiles parce qu’ils sont limités et ne correspondent plus à la réalité. Un certain « retour à la réalité » est nécessaire compte tenu des caractéristiques de la transition historique.

En ce qui concerne la réalité sociale, il est évident que les sociétés de la civilisation occidentale, du moins celles qui n’en ont pas été le moteur, à savoir les sociétés anglo-saxonnes, ne peuvent plus être ordonnées par le fait économique. Non pas parce que nous ne l’aimons pas, simplement parce qu’il a épuisé son cycle historique, qu’il ne fonctionne plus et qu’il tendra à fonctionner de moins en moins. Il faut un ordre politique structuré par une théorie forte de la démocratie. Les civilisations, jusqu’à présent, ont été des objets que l’on a considérés après leur formation et leur développement, personne ne les a conçues a posteriori. Si, comme cela semble nécessaire, nous nous trouvons dans la nécessité de changer nos formes de vie associative en profondeur et dans leur imbrication multidimensionnelle, nous ne pouvons que présupposer une participation large et constante d’une masse critique très importante d’associés ; c’est la société tout entière qui doit se transformer.

C’est le statut du politique dans nos sociétés individuelles qui doit être repensé en profondeur, le rôle et les méthodes de l’économique qui doivent être repensés, la forme même de l’Etat-nation européen qui doit être repensée, et les règles de coexistence au sein de l’espace européen qui doivent être entièrement repensées, les relations entre l’Occident européen et l’Occident anglo-saxon (systèmes qui présentent autant de similitudes mutuelles que de profondes divergences géo-historiques) doivent être entièrement revues, toute la posture des relations entre notre Occident et le reste du monde (Asie, Afrique surtout), ainsi qu’avec le monde en tant que planète, doit être repensée. Et tout cela présuppose des changements non moins ambitieux et radicaux dans notre façon de penser, de connaître, de concevoir le monde et la manière dont nous l’habitons.

Le processus d’adaptation à un monde sans précédent, profondément modifié et en mutation, de surcroît avec des échelles de temps accélérées, au niveau de la société-civilisation, semble nous conduire à devoir diluer le pouvoir social dans le plus grand nombre possible de ses composantes afin que le système dont nous faisons partie fasse preuve d’une agilité et d’une préparation coordonnées au changement décidé par la masse critique. Pour changer les fondamentaux, il faut revenir aux fondamentaux de notre pensée politique, à l’éternelle bataille entre le pouvoir du Peu et celui du Beaucoup. Dans le monde du vivant, les systèmes complexes les plus adaptatifs sont auto-organisés. La forme politique du principe d’auto-organisation est la démocratie réelle. Nous manquons d’une théorie forte de la démocratie.

C’est, à mon avis, la tâche la plus urgente pour une pensée qui vise à transformer et à adapter l’action aux temps difficiles que nous avons eu la chance de vivre.

source : Sinistrainrete via Euro-Synergies



 
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