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Régis de Castelnau : Guerre en Ukraine (vidéo intermède)

Après la chute de Bakhmout et dans l’attente de la fameuse «contre-offensive ukrainienne», poursuite de la guerre de la communication. Aiguillonnés par l’OTAN et conseillés par les experts de plateaux les Ukrainiens lancent des opérations de diversion. «Cheval de Troie à l’envers» nous dit BHL, stratégie des «Mille piqûres» analyse le sergent Garcia et Jean Dominique Merchet change les piles de sa calculette pour savoir quelle surface le commando néonazi a envahi la région de Belgorod avant que les survivants repartent en courant.

Pendant ce temps, et après le G7 d’Hiroshima on se demande si des négociations de paix seraient possibles.

A priori non.

Explications.

Les éclairages de Vu du Droit
Sommaire
  • Informations sur les modifications du programme
  • Négociation ? Quelle négociation ? 

 

 

source : Vu du Droit

Une civilisation en crise

26 mai 2023

par Pierluigi Fagan

Je reproduis le texte d’une intervention en deux posts différents publiés sur ma page FB où je poursuis maintenant mon journal de recherche qui a animé les premières années de ce blog récemment négligé.

En réponse au titre de l’article, clarifions d’abord le point de vue de notre discours. Notre point de vue est historique, nous regardons l’objet civilisation, la civilisation occidentale en particulier, du point de vue du cours historique. Le sujet est vaste et complexe et souffrira d’être réduit à quelques billets.

Cette civilisation, née avec les Grecs il y a deux mille sept cents ans, a été pendant plus de quatre-vingts pour cent de son temps un système local et interne. Pour le reste, à partir du XVIe siècle et jusqu’aux débuts de la période que nous appelons moderne, le système a connu un big bang inflationniste qui s’est étendu à toute la planète, non pas en absorbant l’espace, les peuples et la nature en son sein, mais en les soumettant et en les exploitant. Il convient de préciser qu’il ne s’agit pas ici de porter des jugements moraux, mais seulement de procéder à une analyse fonctionnelle. Au cours de ces cinq siècles, la civilisation occidentale s’est suralimentée en étant capable de nourrir son petit intérieur d’une domination relative sur un extérieur beaucoup plus vaste, c’est-à-dire qu’elle a pu compter sur de vastes et riches conditions de possibilité.

Au cours de ces cinq siècles, ce que l’on appelle la civilisation occidentale moderne a profondément changé. En termes de composition, elle a connu une migration interne de son point central depuis la Méditerranée grecque puis romaine, d’abord vers la côte nord-ouest de l’Europe, puis elle a traversé la Manche pour s’installer en Angleterre (puis en Grande-Bretagne, puis au Royaume-Uni), puis elle a traversé l’Atlantique pour s’installer en Amérique du Nord. On pourrait aussi dire que, venant d’une région par nature hyper-connectée géographiquement (Europe, Asie, Moyen-Orient, Afrique du Nord), elle s’est progressivement isolée d’abord continentalement, puis insulairement, pour finir par s’installer sur une terre abritée par deux vastes océans.

L’isolement géographique lui a toutefois valu le pouvoir de dominer une grande partie de l’espace mondial sans risquer trop de contre-réactions, comme cela s’est toujours produit dans la dynamique expansive des empires-civilisations terrestres.

Au niveau de l’équilibre matière-énergie, une région du monde a progressivement dominé une grande partie du monde, a énormément élargi son espace vital.

Ces conditions ont permis à la partie européenne originelle de la civilisation de se diviser en États plus petits. L’Europe a un rapport territoire/population moyen par État bien inférieur à la moyenne mondiale. L’Europe compte à peu près autant d’États que l’ensemble de l’Asie ou de l’Afrique, alors que son espace est quatre ou trois fois plus petit. En outre, cette comparaison n’est même pas tout à fait correcte puisque ce sont précisément les empires européens qui ont partitionné, pour leurs propres intérêts impériaux-coloniaux, l’espace asiatique et africain qui, qui sait, aurait connu d’autres dynamiques s’il avait été laissé libre d’explorer son propre espace de possibilités. Cette étrange partition localiste européenne a montré des signes de déséquilibre systémique évident à deux reprises au cours du siècle dernier, accélérant le processus de migration du centre de la civilisation vers l’île britannique, puis vers l’île continentale nord-américaine.

Ces « États », dont chacun possède son propre peuple appelé « nation », se sont de plus en plus organisés autour d’un double système économico-politique. Sur le plan économique, les Occidentaux ont développé un système suralimenté par des matériaux et des énergies provenant pour la plupart de l’extérieur. À cette surcharge matérielle, ils ont ajouté deux autres surcharges immatérielles. La première provient de l’argent créé à partir de rien qui avance de la valeur que l’on espère ensuite restituer (en éteignant la dette de l’avance) en dégageant un surplus appelé profit. Ce profit est accumulé ou réinvesti pour alimenter de nouveaux cycles. Le second fait par l’énorme développement des connaissances, des savoirs et des pratiques techniques et scientifiques. Matières, énergie, argent et connaissances se sont retrouvés à l’intérieur d’une machine productive-transformatrice. Cette machine, par le biais du travail humain, est devenue le cœur ordonnateur de ces sociétés, chaque producteur étant également un consommateur. Deux flux sont sortis de la machine, l’un de produits ou de services vendus au marché pour obtenir le retour du capital initial plus le profit, l’autre de déchets, de transformation ou de consommation.

Sur le plan politique, l’ordre a été de créer un système original dans la forme mais moins dans le fond, que l’on a appelé, improprement, démocratie ou, dans la veine du mépris de la logique linguistique (oxymores) : démocratie de marché. Le fond est celui habituel de toutes les civilisations depuis cinq mille ans, c’est-à-dire le fait qu’une partie plus petite (le Peu), domine et gouverne avec des fortunes diverses une partie plus grande (le Beaucoup). L’originalité, qui plutôt que démocratique devrait être qualifiée de républicaine, a été que la multitude a eu (au cours des dernières décennies de ces cinq siècles) la faculté d’exprimer un certain goût ou une certaine aversion pour le type d’interprètes du format qui n’a jamais été remis en question. Un goût très superficiel, c’est-à-dire qui ne repose pas sur un partage conscient et profond des différents programmes politiques.

La « crise » dans laquelle est entrée la civilisation occidentale est la restriction plus ou moins brutale de toutes ces conditions de possibilité à la fois. C’est pourquoi on parle de « crise systémique ». Dans un système, l’état de crise, quelle que soit la manière dont il est généré, est toujours la crise de toutes ses parties et de leurs interrelations.

L’arrangement par lequel ce petit système d’Occidentaux a pu dominer un espace beaucoup plus vaste pour se suralimenter n’est plus donné aujourd’hui et le sera de moins en moins dans l’avenir immédiat. Cette nouvelle impossibilité est sous-tendue par une logique historico-démo-physico-culturelle, qui n’est pas un sujet de volontarisme ou de discussion, mais un fait inéluctable. Alors que l’espace des possibilités extérieures se rétrécit de plus en plus, l’étanchéité interne du système se fissure.

En effet, le centre américano-anglo-saxon a une logique et une dynamique propres qui tendent à s’écarter de l’espace européen. À son tour, cette Europe, à l’ontologie géographique et géo-historique précaire, se révèle être un système très faible, vieillissant, hyper-fractionné, vicié par une étrange croyance post-historique selon laquelle le nouvel ordre était applicable à une dynamique pure (le marché) plutôt que statique (l’État alors plus ou moins dynamique). Une sorte d’ontologie des flux tout en forme et sans substance. Ce vieux syndrome de la pensée occidentale selon lequel ces gens pensent que parce que quelque chose peut être pensé, cela le fait exister (connu sous le nom de syndrome des cent thalers) et fonctionner dans le concret.

La partie économique de son ordre a perdu son exclusivité puisqu’elle est désormais répliquée dans le monde entier. De plus, contrairement à ce « reste du monde », l’Occident a déjà produit tout ce dont il avait besoin et continue depuis longtemps à produire des choses qui ne servent plus à rien d’autre qu’à maintenir le système à peine en vie. Enfin, l’Occident continue à avoir de nombreux besoins qu’il n’élude pas parce qu’ils ne peuvent pas être transformés en biens et services.

De plus, on voit ici que le big bang qui a commencé au milieu du 19ème siècle comme une cascade d’inventions génératives (vapeur, mécanique, physique, chimie, santé, électronique), n’a produit dans la seconde moitié du XXe siècle que le domaine des TIC que l’on expérimente maintenant aussi en bio. À tel point que la production matérielle a été abandonnée pour se réfugier dans un rêve immatériel fatigué, de type financier, qui a fait perdre au cœur de la machine productive sa fonction d’ordonnancement social (travail, revenu). Certains pensent qu’il s’agit d’une erreur, aussi parce que la notion d’erreur implique la réversibilité. Malheureusement, il n’y a pas de réversibilité, le problème aurait pu et dû être traité différemment (mondialisation malveillante et son pendant idéologique néolibéral), sans aucun doute, mais la dynamique sous-jacente de la perte de l’élan productif traditionnel était et est, fondamentalement, irréversible.

Bien que les Occidentaux eux-mêmes se considèrent comme des « matérialistes », il n’est peut-être pas évident pour tout le monde de savoir ce que les TIC ou les NBIC (nano-bio-info-cognitifs) « valent » par rapport à la production traditionnelle proprement dite. On ne fait certainement pas vivre un système économique complexe avec la restriction des activités productives nées des différentes révolutions innovantes de la première moitié du 20ème siècle, hypothétiquement compensées par ces nouveaux domaines. D’autre part, les innovations de moyens (nouvelles façons de faire des choses anciennes) ne génèrent pas de nouvelles choses, remplaçant des moyens qui libèrent également des soldes d’emploi négatifs. Des producteurs en crise qui deviennent des crises de consommation, grippant tout le mécanisme.

Le « reste du monde », quant à lui, est au début de la courbe logistique du cycle production-consommation, il a encore beaucoup à faire pour accroître sa richesse collective et personnelle. Rien qu’entre les Indiens et les Chinois, nous en sommes à près de trois milliards d’habitants, la Chine se situant au 72ème rang en termes de PIB/habitant et l’Inde au 144ème (FMI). Et il n’y a pas que la richesse par habitant, il y a aussi l’épaisseur infrastructurelle et collective des pays individuels qui accéderont à une forme de modernité qui leur est propre.

La politique est devenue le sous-système qui a concentré toutes ces dynamiques restrictives en son sein, tentant de les absorber sans les gérer. Le résultat a été la désintégration de la forme soi-disant démocratique au profit d’un républicanisme privatisé ou la perte de toute notion propre de res publica.

Cette brève analyse nous amène à cette liste affligeante de problèmes graves : a) les relations entre l’Occident et le Monde ; b) les relations à l’intérieur de l’Occident (sphères anglo-saxonne et continentale) ; c) l’incohérence des Etats-nations européens et de la forme systémique que les Européens ont pensé se donner au cours des soixante dernières années ; d) la fin du cycle historique de la vie de l’économie moderne pour le seul Occident ; e) la tragédie des formes politiques internes des Etats occidentaux.

Toutes ces questions convergent finalement vers la société dans laquelle et dont nous vivons tous.

***

Les sociétés animales, et les sociétés humaines plus que d’autres, doivent être comprises comme des véhicules adaptatifs. Les individus créent et s’adaptent à la société qui les aide à s’adapter au monde. Une civilisation est un méta-système, moins défini qu’une société proprement dite, mais qui a l’avantage de la masse. L’unité méthodologique est ici la société, la société s’adapte et participe à la civilisation qui l’aide à s’adapter au monde.

L’état de crise illustré ci-dessus traverse tous les niveaux, de la civilisation aux sociétés qui la composent, nations individuelles ou groupes plus homogènes, de celles-ci à leur composition interne par strates, classes, fonctions, jusqu’aux individus. Dans une crise d’adaptation, chacun de ces sujets, individuel ou collectif, se trouve dans la situation difficile d’être, en même temps, « contre et avec » quelqu’un d’autre.

On peut s’intéresser avec bienveillance à l’émergence aujourd’hui de nouveaux pouvoirs dans d’autres sphères de la civilisation, ne serait-ce que parce que cela peut déplacer la structure de notre civilisation, ouvrir sur des changements possibles. Mais ces changements doivent nous voir prêts à assumer la redéfinition de notre civilisation, et certainement pas à aspirer naïvement à être changés par d’autres civilisations. Chaque civilisation est étrangère à l’autre. Les civilisations peuvent et doivent dialoguer et échanger des idées, des traits et des caractères, mais elles restent des sujets dont les finalités, les buts et les voies sont entièrement différents et fondamentalement en concurrence les uns avec les autres.

Ainsi, la crise de notre civilisation nous concerne tous intégralement, même si chacun d’entre nous a des points de distinction et de désaccord avec sa forme actuelle. Elle nous affecte en tant que société qui devrait poursuivre son propre intérêt national, mais « contre et avec » d’autres sociétés similaires, ce qui s’applique également à la dialectique entre les classes, les classes et les fonctions au sein de la société individuelle, jusqu’au niveau individuel et dans les attentes entre les intérêts théoriques et pratiques, même à l’intérieur de nous-mêmes.

L’état de crise ontologique de la civilisation occidentale et de chacune de ses composantes internes est certes la crise de ses modes, de ses structures et de ses processus habituels d’organisation, mais c’est aussi la crise de son propre mental. Pour les humains, le mental a été l’arme adaptative principale et par ailleurs très puissante. L’homme présente une particularité cérébro-mentale qui place un espace entre l’intention et l’action, dans cet espace se trouve la simulation des effets de toute action possible, la pensée. La pensée est une action hors ligne, une hypothèse d’action qui n’a pas encore été mise en œuvre et qui attend de devenir un acte, soumis à la stratégie, à la simulation et à l’évaluation. Par cette nouveauté biologique-fonctionnelle, nous avons perdu tous les traits adaptatifs animaux devenus inutiles (fourrure, griffes, canines et mâchoires puissantes, agilité et muscles, etc.), devenant du même coup l’un des animaux les plus fragiles morphologiquement sur le plan individuel autant que les plus puissants opérationnellement sur le plan collectif, en tout cas les plus adaptatifs.

Nous appelons cette dotation mentale générale l’« image du monde » ; les civilisations, les sociétés en groupes ou prises individuellement, les strates (classes et fonctions internes), les individus en sont dotés. En plus d’être dans la situation inconfortable d’être à la fois « contre et avec », nous nous trouvons aujourd’hui avec un esprit en décalage avec notre époque. Notre esprit distille les cinq siècles de la modernité, alors que certaines structures de pensée qui ont une fonction profonde, architecturale et fondatrice remontent à des siècles et des millénaires (aux gréco-romains, au christianisme). Selon le degré d’épochalisme que nous voulons reconnaître dans le passage historique dans lequel nous sommes tombés, nous constaterons également l’inadéquation plus ou moins profonde de larges pans de notre pensée. Nous sommes dans une ère nouvelle avec une mentalité ancienne. À propos de cette prétendue époque, il n’est peut-être pas inutile de rappeler le simple fait que nous avons triplé la taille de la planète en seulement soixante-dix ans, un événement jamais enregistré dans l’histoire de l’humanité en si peu de temps et qui part déjà de 2,5 milliards d’individus. D’ici 2050, nous aurons quadruplé en raison de transitions démographiques statistiquement inaltérables, quoi que nous décidions de faire au cours des deux prochaines décennies. Tout cela met de plus en plus en évidence les problèmes de compatibilité environnementale de la planète, puisque le monde entier utilise désormais le mode économique moderne (matériaux-énergie-capital-technologie-production-consommation, déchets). Si ce n’est pas une époque, je ne sais pas comment l’appeler autrement.

Ce qui est le plus inquiétant dans cette phase historique, c’est précisément le manque de courage mental. En Occident, les complexes idéologiques se durcissent en de tristes scolasticismes, il n’y a pas de ressort de pensée, dans tous les domaines qui ne sont pas de l’ordre de la mise en œuvre-instrumentale (technique). L’absence de créativité dans notre pensée équivaut à l’impression de vieillesse avancée de nos sociétés à la fin de plus d’un cycle historique.

La pensée occidentale a deux problèmes principaux. Le premier est celui de la forme. Une civilisation, et plus encore sa crise adaptative, est un problème éminemment complexe, c’est-à-dire avec de nombreuses parties, de nombreuses interrelations entre ces parties, des processus non linéaires ou non mécaniques, un système placé dans un contexte turbulent. Qu’il s’agisse de disciplines scientifiques, socio-historiques ou de réflexion, nous avons développé dans la modernité des coupes individuelles, des regards individuels, des méthodologies disciplinaires individuelles. Bien qu’il soit fructueux de décomposer des objets ou des phénomènes afin de réduire leur taille à nos facultés mentales limitées, cela ne revient jamais à la vue complète, n’atteint jamais la « com-préhension », la prise en compte de l’ensemble. Le tout en relation avec son contexte nous échappe systématiquement et avec lui la faculté de pouvoir le manipuler.

Le deuxième problème est que chacune de ces disciplines est encombrée de théories, le plus souvent locales, mais pas seulement. Le paysage théorique est une forêt complexe de liens et de références croisées, tissée dans son propre temps historique, des périodes historiques où notre civilisation était à un point très différent de sa courbe d’adaptation, tout comme le contexte-monde. Dans de nombreuses disciplines essentielles à la compréhension générale, un paradigme mécanique-attemporel régit l’étude et la réflexion sur des choses qui sont pourtant historico-biologiques. Cela fait quatre siècles que notre avidité à fabriquer a conduit au type idéal de machines hydrauliques, de fontaines, d’horloges, le modèle systémique des débuts de l’ère moderne. Puis ce fut le tour de la machine à vapeur, aujourd’hui de l’ordinateur. Mais rien de ce qui fait de nous des êtres humains, bio-sociaux et mentalement conscients n’a à voir avec ces analogies infondées, c’est précisément la logique de la compréhension qui est désaxée. Enfin, ce paysage théorique a sa propre cohérence interne qui, au fil du temps, s’est éloignée de la nature de son objet, produisant un maquis encombrant de problèmes fictifs et déplacés, superposés dans des cadres polémiques alimentés par la compétition idéologique et académique, s’éloignant de plus en plus de la réalité.

Ce qui manque pour évoluer dans l’état de crise à la recherche d’une sortie, ce n’est pas un autre modèle de société avec son interminable liste de « j’aimerais qu’il en soit ainsi » si l’on nous accordait le rôle de « législateur du monde », mais une méthode pour le penser, le discuter et le partager, l’essayer, le faire évoluer avec d’autres. Le plaisir de concevoir des sociétés meilleures nous saisit d’emblée, mais nous n’avons pas la possibilité de ramener ces projets à des faits ou à des tentatives de faits.

En fait, le problème séculaire du pouvoir social est simple. De temps à autre, de petits groupes marqués par une certaine spécialité sociale (anagraphique, sexuelle, militaire, religieuse, ethnique, politique, maintenant économique ou peut-être plus financière), tout en rivalisant les uns avec les autres pour leur part de pouvoir réel, ont été étroitement unis dans la défense du principe structurel selon lequel le Peu domine le Beaucoup en prenant la plupart des avantages adaptatifs de la vie en association. Lors des phases d’abondance relative, le petit nombre a partagé quelques miettes, tandis que lors des phases de restriction, le petit nombre a simplement rejeté toute la contraction sur le grand nombre. C’est ce qui s’est passé au cours des trente dernières années. Pour le plus grand nombre, ce premier principe pratique du pouvoir leur échappe, ils discutent de telle ou telle meilleure forme de société et d’image du monde comme s’ils étaient autorisés à décider de telle ou telle version, alors que le problème est précisément de savoir comment répondre à la question fondamentale « qui décide ? » Il ne s’agit pas de savoir « quoi » décider, cela viendra plus tard, il faut d’abord s’interroger sur le sujet, le « qui », et sur la manière, le « comment ».

Ce qui semble être une transition adaptative inévitable pour nous, en Occident, a le double caractère du mental et du réel, mais pour construire ce dernier, la voie politique doit être trouvée et partagée dans le premier.

Pour ce qui est du mental, la nouvelle ère historique nous impose de connaître l’ensemble, la « liste douloureuse des problèmes graves » que nous avons évoquée, exige des connaissances géo-historiques, culturelles, environnementales, économiques, sociales, politiques, imbriquées les unes dans les autres, en aval d’une nouvelle définition de l’humain, qui ne sera plus l’animal qui fait, mais l’animal qui pense avant de faire. Il y a un nouveau cours de la connaissance à développer parallèlement à celui qui a été poursuivi jusqu’à présent, un cours intégré, systémique-holistique, qui peut aussi donner de nouvelles conditions de possibilité à la pensée pour dépasser les bourbiers forestiers des enchevêtrements théoriques qui ne sont plus utiles parce qu’ils sont limités et ne correspondent plus à la réalité. Un certain « retour à la réalité » est nécessaire compte tenu des caractéristiques de la transition historique.

En ce qui concerne la réalité sociale, il est évident que les sociétés de la civilisation occidentale, du moins celles qui n’en ont pas été le moteur, à savoir les sociétés anglo-saxonnes, ne peuvent plus être ordonnées par le fait économique. Non pas parce que nous ne l’aimons pas, simplement parce qu’il a épuisé son cycle historique, qu’il ne fonctionne plus et qu’il tendra à fonctionner de moins en moins. Il faut un ordre politique structuré par une théorie forte de la démocratie. Les civilisations, jusqu’à présent, ont été des objets que l’on a considérés après leur formation et leur développement, personne ne les a conçues a posteriori. Si, comme cela semble nécessaire, nous nous trouvons dans la nécessité de changer nos formes de vie associative en profondeur et dans leur imbrication multidimensionnelle, nous ne pouvons que présupposer une participation large et constante d’une masse critique très importante d’associés ; c’est la société tout entière qui doit se transformer.

C’est le statut du politique dans nos sociétés individuelles qui doit être repensé en profondeur, le rôle et les méthodes de l’économique qui doivent être repensés, la forme même de l’Etat-nation européen qui doit être repensée, et les règles de coexistence au sein de l’espace européen qui doivent être entièrement repensées, les relations entre l’Occident européen et l’Occident anglo-saxon (systèmes qui présentent autant de similitudes mutuelles que de profondes divergences géo-historiques) doivent être entièrement revues, toute la posture des relations entre notre Occident et le reste du monde (Asie, Afrique surtout), ainsi qu’avec le monde en tant que planète, doit être repensée. Et tout cela présuppose des changements non moins ambitieux et radicaux dans notre façon de penser, de connaître, de concevoir le monde et la manière dont nous l’habitons.

Le processus d’adaptation à un monde sans précédent, profondément modifié et en mutation, de surcroît avec des échelles de temps accélérées, au niveau de la société-civilisation, semble nous conduire à devoir diluer le pouvoir social dans le plus grand nombre possible de ses composantes afin que le système dont nous faisons partie fasse preuve d’une agilité et d’une préparation coordonnées au changement décidé par la masse critique. Pour changer les fondamentaux, il faut revenir aux fondamentaux de notre pensée politique, à l’éternelle bataille entre le pouvoir du Peu et celui du Beaucoup. Dans le monde du vivant, les systèmes complexes les plus adaptatifs sont auto-organisés. La forme politique du principe d’auto-organisation est la démocratie réelle. Nous manquons d’une théorie forte de la démocratie.

C’est, à mon avis, la tâche la plus urgente pour une pensée qui vise à transformer et à adapter l’action aux temps difficiles que nous avons eu la chance de vivre.

source : Sinistrainrete via Euro-Synergies



 
…
 

Les chars russes atteignent l’Atlantique près de Lisbonne

25 mai 2023

 

par Gilbert Doctorow

Le titre « fake news » de cet article donne une idée de la direction que pourrait prendre la politique étrangère et militaire actuelle des États-Unis et de l’Union européenne à l’égard de la Russie si nous ne réfléchissons pas et si nous ne changeons pas de cap. Ce que je veux dire dans cet article, c’est que personne aux postes de direction de ce côté-ci du nouveau rideau de fer ne semble capable de voir plus loin qu’un seul coup dans le grand jeu d’échecs des grandes puissances qui se déroule actuellement sous les yeux du monde entier. Je dédie cet article en particulier aux lecteurs non identifiés mais très appréciés de l’armée américaine qui me suivent sur LinkedIn.

***

Le point de départ de la discussion d’aujourd’hui se situe là où j’ai exposé, il y a deux jours, la présentation conformiste et irrationnelle de la guerre russo-ukrainienne par le correspondant diplomatique principal du New York Times à Bruxelles, Steven Erlanger, dans un prestigieux club du centre-ville.

J’ai conclu cet exposé en développant la question que j’ai posée à Erlanger au début de ses questions-réponses : pourquoi l’Europe et les États-Unis étaient-ils si peu préparés à la guerre terrestre que la Russie a déclenchée le 24 février 2022, étant donné la manière dont ils ont tous nargué l’ours russe depuis 2014 d’une manière qui ne pouvait que conduire à la guerre. La dernière insulte faite aux Russes a eu lieu entre décembre 2021 et début février 2022, lorsque les États-Unis et l’OTAN ont rejeté d’emblée la demande de la Russie d’entamer des négociations sur ses propositions de révision de l’architecture de sécurité de l’Europe.

Les États-Unis et l’Europe se sont réjouis de la manière dont la Russie a trébuché dans les premiers jours et les premières semaines de l’opération militaire spéciale. Ils ont conclu ouvertement que la Russie était beaucoup moins forte qu’on ne l’avait supposé. Cependant, les Russes se sont réconfortés avec la vieille sagesse populaire selon laquelle ils sont lents à seller leurs chevaux, mais rapides sur le parcours une fois montés. En effet, l’armée russe s’est progressivement mise en marche et des observateurs militaires occidentaux ont commencé à dire que la guerre était devenue une véritable « guerre terrestre », un retour à la guerre des tranchées et aux batailles d’artillerie de la Première Guerre mondiale, par opposition aux batailles de chars ou aux bombardements en tapis à partir de positions de supériorité aérienne que les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont pratiqués au cours des trois dernières décennies lorsqu’ils se sont engagés contre des pays du Tiers-Monde qui ont été victimes de leurs attaques.

Il s’est ensuite avéré que les Russes tiraient jusqu’à 60 000 obus par jour, dépassant la puissance de feu des Ukrainiens par un facteur de trois ou cinq. Le nombre de victimes dans les deux camps a augmenté parallèlement à la disparité de la puissance de feu. Nos commentateurs de télévision et nos dirigeants politiques ne souriaient plus. Désormais, toute l’attention se porte sur le soutien du régime de Kiev avec du matériel militaire de plus en plus meurtrier, tout en vidant les armureries en Europe dans des proportions alarmantes. Les Russes ont finalement compris qu’ils disposaient du plus grand stock de munitions au monde, soutenu par la plus grande capacité de fabrication au monde dans ce domaine. Sans parler des nouvelles armes miracles, comme le Kinjal hypersonique, que les Russes ont commencé à introduire sur le champ de bataille un an après le début de la guerre.

Ma question était et est toujours la suivante : pourquoi ces aspects de la guerre à venir en Ukraine et autour de l’Ukraine n’ont-ils pas été prévus par les dirigeants occidentaux ? Cela témoigne d’une irresponsabilité et d’une incompétence flagrantes… et certainement aussi d’une vaste corruption. Sinon, comment comprendre que les trois ou quatre cents milliards d’euros dépensés collectivement par les États membres de l’UE pour la Défense chaque année au cours des vingt dernières années, par rapport aux 80 milliards d’euros du budget militaire annuel de la Russie, aient donné lieu à un tel écart dans l’état de préparation à la guerre lorsqu’elle a finalement eu lieu au début de l’année 2022 ? Et bien sûr, par extension, pourquoi les magasins et l’industrie manufacturière des États-Unis se sont-ils révélés si dérisoires alors que leur budget militaire est supérieur à celui du reste du monde dans son ensemble ?

Maintenant que j’ai éclairci cette question, passons à autre chose. Je ne vois aucun signe indiquant que les dirigeants actuels des États-Unis ou de l’Europe aient tiré des leçons de cette expérience. Au contraire, par leurs derniers mouvements sur l’échiquier, ils nous conduisent tout droit vers l’échec et mat décrit dans le titre de cet essai.

Tout au long de l’année, les médias occidentaux ont accordé une grande attention aux décisions prises à Washington, Londres, Berlin et Bruxelles concernant tout d’abord l’envoi à Kiev de chars perfectionnés, à savoir le char lourd américain Abrams et les Leopards allemands, puis l’envoi à Kiev d’avions de chasse américains F-16 provenant des flottes européennes.

On parle très peu du renforcement des troupes et du matériel de l’OTAN tout au long de la frontière orientale avec la Russie. Les médias occidentaux parlent très peu des menaces proférées par la Pologne de soutenir un soulèvement armé contre le gouvernement de Loukachenko en Biélorussie. En effet, en début de semaine, la télévision polonaise a interviewé un ancien ministre adjoint de la défense qui milite activement pour que son pays intervienne militairement pour soutenir un tel soulèvement, alors que les forces ukrainiennes, sous couvert de milices russes anti-Poutine, ont envahi l’oblast de Belgorod, en Fédération de Russie, le week-end dernier, provoquant la destruction de plus de 500 maisons et des fusillades qui ont envoyé des civils russes à l’hôpital pour des blessures ou à la morgue. Ces « terroristes », comme les décrit la télévision russe, ont été liquidés par les forces de sécurité russes, mais la menace de nouvelles incursions de ce type a fait monter la température et l’agressivité du discours public russe.

Certains nationalistes russes, comme le chef de la société de mercenaires Wagner, Evgueni Prigojine, sont cités aujourd’hui dans le New York Times pour leur demande de rappel à l’ordre des élites russes, de mise en état de guerre totale du pays et d’instauration de la loi martiale. D’autres orateurs nationalistes réclament l’exécution sommaire de traîtres tels que la personne qui a remis une bombe mortelle au journaliste Tatarski à Saint-Pétersbourg il y a quelques semaines.

Toutefois, la télévision russe grand public, comme Sixty Minutes, diffuse bien d’autres informations qui ne sont pas rapportées par notre presse et qui vont bien au-delà de la répression intérieure en Russie. Les participants à cette émission ne sont pas seulement des têtes parlantes issues de groupes de réflexion et de l’université d’État de Moscou. Ils comprennent des membres de la Douma représentant Russie unie, le LDPR et le parti communiste. Parmi les membres de la Douma, on trouve principalement des chefs de commissions de la Douma, comme celle de la Défense.

L’un des participants les plus convaincants appartenant à la Douma est un général à la retraite qui a formulé des recommandations très précises en matière de stratégie militaire que nos hommes à Washington feraient bien de prendre en considération.

Les analystes occidentaux ont fait couler beaucoup d’encre et ont prononcé beaucoup trop de mots sur la question de savoir si la Russie utilisera ou non des armes nucléaires tactiques en Ukraine. Il s’agit d’un discours creux qui ne tient pas compte de deux faits. Le premier est que le régime ukrainien peut être décapité à n’importe quel moment choisi par la Russie à l’aide des missiles hypersoniques dont elle dispose et qui sont équipés d’ogives conventionnelles. Toutefois, la Russie se réserve le droit d’utiliser des armes nucléaires contre l’OTAN, comme l’a clairement indiqué ce membre de la Douma.

Si le régime de Varsovie poursuit son projet d’obéir aux ordres de Washington et de créer un « second front » en envahissant le Belarus sous le couvert d’insurgés locaux, la Russie interviendra certainement. Le président Poutine l’a expressément déclaré hier, mais vous ne trouverez pas sa citation dans le NYT d’aujourd’hui. Si, par la suite, l’OTAN commence à agir contre la Russie le long de la vaste ligne de front qu’elle a récemment constituée, la réponse proposée par le général russe est également prête à l’emploi : utiliser des armes nucléaires tactiques contre ces forces de l’OTAN, les détruire et faire passer les chars devant elles jusqu’au prochain point de résistance où elle utilisera à nouveau des armes nucléaires. Ce jeu de saute-mouton amènerait logiquement ces chars russes dans l’Atlantique, quelque part près de Lisbonne, comme je l’ai indiqué dans le titre.

Et que feraient les États-Unis face à la destruction de leurs alliés européens ? On peut supposer, en connaissance de cause, qu’ils ne feraient rien. Si Washington tergiverse pour savoir quels chars iront en Ukraine, quels F-16 iront en Ukraine, tout cela dans le but de maintenir la lutte contre la Russie au niveau des forces supplétives, pourquoi les États-Unis risqueraient-ils une destruction instantanée par les missiles stratégiques russes simplement parce que l’Europe est en feu ?

source : Gilbert Doctorow



 
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